Reportage international

Malaisie: des ONG demandent plus d’effort en matière de liberté d’expression

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Depuis son élection en novembre dernier, Anwar Ibrahim est désormais Premier ministre de la Malaisie. Emprisonné à deux reprises pendant sa carrière politique, clamant à chaque fois son innocence, il a longtemps été perçu comme l’incarnation de la lutte pour les libertés civiles et la justice dans le pays. Aujourd’hui, après plusieurs mois de mandat, plusieurs ONG s’inquiètent et pointent du doigt l’absence de volonté politique en matière de liberté d’expression alors que des élections dans 6 États du pays auront lieu dans quelques mois.

Le Premier ministre de la Malaisie Anwar Ibrahim, le 2 mars 2023.
Le Premier ministre de la Malaisie Anwar Ibrahim, le 2 mars 2023. © AP/Lisa Marie David
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De notre correspondante à Kuala Lumpur,

Dans la capitale malaisienne, les Organisations non gouvernementales (ONG) de défense des droits humains scrutent de près de possibles avancées en matière de liberté d’expression et beaucoup laissent entendre une certaine attente.

C’est le cas de Sevan Doraisamy. Il est le directeur de l’ONG Suaram. « Ils font partie, depuis les années 1990, du mouvement de réformes. Donc, ils attendent changement par rapport aux gouvernements précédents. Mais ce qu’on voit maintenant, c'est que c’est la même vieille pratique qui continue », explique-t-il. « La question est : où est le point final à tout ça ? Parce que c’est comme ça que les autorités intimident et aussi arrêtent les gens qui organisent les rassemblements publics. On a l’impression que ça va vraiment très lentement en termes de droits civiques et de liberté d’expression. »

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Une utilisation de la police jugée « illégale et despotique »

Juste après certains rassemblements publics qui ont donné lieu à des interrogations par la police au mois de mars, mais aussi à des enquêtes sur des critiques en ligne à l’égard du gouvernement, l’ONG Lawyers for Liberty (Les avocats pour la liberté), a récemment publié un communiqué dans lequel on pouvait lire « L'utilisation de la police pour protéger Anwar des critiques est “illégale et despotique” ».

« On demande au gouvernement d’abroger certaines lois. Ils avaient fait la promesse d’en abroger dans leur manifeste », rappelle Zaid Malek, porte-parole de l’ONG. « Ce qui concerne plus ou moins ce qu’on appelle “The Sedition act”, ou encore le “communication anti media act”. Le droit d’expression, c'est le sacro-saint, et il doit être protégé coûte que coûte ! C’est à eux de le faire, c’est un gouvernement de réforme et c’est ce qu’ils avaient promis. Et c’est seulement ça qu’il faut faire. »

Entre le marteau et l'enclume

La liberté d’expression, lente selon ces ONG, reflète aussi la complexité de la situation politique d’Anwar, explique Sophie Lemière, chercheuse et anthropologue politique spécialiste de la Malaisie.

« Je crois aujourd'hui qu’Anwar Ibrahim est véritablement prisonnier de ses allégeances politiques et qu'il est extrêmement difficile pour lui de manœuvrer entre son nouvel allié, le parti conservateur ethno-nationaliste malais qui, clairement, ne s'inscrit pas dans une grande démarche démocratique, et une opposition de majorité malaise très conservatrice », analyse-t-elle. « Et donc Anwar se retrouve vraiment entre le marteau et l'enclume pour tenter de conserver le pouvoir et ceci se fait aux dépens des libertés individuelles et des réformes promises depuis tant d'années. »

Dans quelques mois, des élections auront lieu dans six États différents de la Malaisie. Le scrutin s’annonce crucial pour le Premier ministre.

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