Reportage international

Malaisie: la crainte d’une augmentation d’enfants apatrides inquiète gravement les ONG

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En juin 2023, le gouvernement a annoncé son intention de réformer la Constitution pour mettre fin à la reconnaissance systématique des orphelins comme citoyens en Malaisie. Si cette volonté de modification de la Constitution est à l’heure actuelle étudiée par les autorités, des ONG et activistes appellent à la plus grande prudence et à faire marche arrière pour ces enfants mineurs vulnérables à toutes formes de violences.

Une vue sur la ville de Kuala Lumpur, en Malaisie, le samedi 2 mai 2020.
Une vue sur la ville de Kuala Lumpur, en Malaisie, le samedi 2 mai 2020. AP - Vincent Thian
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De notre correspondante à Kuala Lumpur,

C’est une possibilité qui fait craindre le pire. Hartini Zainudin, activiste, défend depuis plus de 30 ans en Malaisie, les droits des enfants marginalisés. Et la perspective d’une modification de la Constitution pour mettre fin à la reconnaissance systématique des orphelins comme citoyens, la fait grincer des dents…

« Être apatride signifie que tu n’existes pas légalement, tu n’as pas de passeport, tu ne peux pas travailler. En fait, tu n’existes pas, tout simplement. Dans d’autres pays d’Asie du Sud Est, on les appelle "les enfants de la poussière". Ils se déplacent comme de la poussière, parce que tu ne les vois pas. En Malaisie, on les appelle les enfants invisibles. En tant qu’activiste, et qu’être humain, j’ai un gros problème avec ce qui est en train de se passer. Nier le droit à la citoyenneté d’un enfant, ça veut dire que tu nies son futur et que tu les condamnes à une vie où ils ne prospéreront pas. Et tant pis pour les enfants qui font l’objet de trafic, ou qui sont vendus, tant pis pour les parents malaisiens qui veulent des enfants, et qui veulent adopter des enfants sans nationalité. Vous leur rendez la vie encore plus difficile, mais pourquoi ? »

« Il y a des ventes de bébés en ligne »

Les ONG réclament depuis des années un comptage précis des orphelins dans le pays. Il y a en Malaisie 15 orphelinats avec une capacité d’accueil limité. Environ 1 500 enfants sont concernés. L’État sous-traite aussi avec des orphelinats privés. Et le problème c’est que des orphelinats privés et non enregistrés existent également et profitent des enfants. Une modification de la Constitution pour mettre fin à la reconnaissance systématique des orphelins comme citoyens, aggraverait davantage la situation, explique, Sophie Lemière, fondatrice de l’ONG World Wonderers (WoW) en Malaisie :

« Cette situation signifie que les orphelinats, avec la connivence de l’État malaisien sont générateurs de l’apatridie des orphelins, une situation complètement absurde, en contradiction non seulement avec la Constitution fédérale de Malaisie, mais aussi avec les accords internationaux signés avec la Malaisie, notamment la Convention des droits de l’enfant, précise l’activiste. L’État malaisien parce qu’il refuse d’appliquer ces lois crée des poches de pauvreté, une communauté extrêmement vulnérable, s’inquiète la fondatrice de l’ONG. On parle d’enfants mineurs qui vont grandir dans les limbes juridiques, sociales de la Malaisie, sans identité, sans protection, sans statut et donc particulièrement vulnérables à toutes formes de violences institutionnelles puisque l’État lui-même en commet. Mais on parle aussi de trafic, de réseau de prostitution, de travail forcé pour les enfants, notamment dans les plantations de vente d’enfants, il y a des ventes de bébés en ligne, etc. »

Et les ONG et activistes en Malaisie disent regarder de près les discussions autour des orphelins dans le pays.

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