Reportage international

Les travailleurs étrangers du Japon confrontés à la dégringolade du yen

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Au Japon, la situation de centaines de milliers d'immigrés s'est terriblement compliquée ces six derniers mois. Car depuis l'automne dernier, le yen s'est effondré sur le marché des changes. Or, leurs salaires peu élevés ne leur permettent pas d'envoyer davantage d'argent à leurs proches pour compenser ce manque à gagner. Au Népal, aux Philippines ou au Vietnam, donc, quantité de familles souffrent de cette chute du yen.

Un tableau électronique indique le cours du yen japonais par rapport au dollar américain dans une rue de Tokyo le 13 juin 2023 (image d'illustration).
Un tableau électronique indique le cours du yen japonais par rapport au dollar américain dans une rue de Tokyo le 13 juin 2023 (image d'illustration). AFP - KAZUHIRO NOGI
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De notre correspondant à Tokyo,

Le yen a chuté sur le marché des changes en raison du différentiel des taux directeurs. La Réserve fédérale américaine et la Banque centrale européenne ont augmenté ces taux. Pour calmer leurs économies en surchauffe – comme en témoigne l'inflation. Les investisseurs délaissent la monnaie japonaise en raison des taux d'intérêt plus élevés en Occident. Ils se tournent donc vers des devises plus rentables comme le dollar ou l'euro. Car le Japon pratique toujours une politique de taux d'intérêt négatifs à cause de son économie qui tarde à redécoller.

Le yen au niveau plancher, cela n'arrange pas ces deux clients d'un bureau de change du centre-ville. Elle Philippine, lui Népalais, et qui, comme tous les étrangers peu qualifiés expatriés dans l'archipel, n'ont pas le droit d'y faire venir leurs familles. Les yens que ces expatriés envoient à leurs familles restées au pays valent beaucoup moins qu'avant, convertis en dollars.

« Là, je vais envoyer de l'argent à ma sœur pour les cadeaux de Noël de mes filles. C'est un peu tôt, mais si, en décembre, le yen vaut encore moins qu'aujourd'hui, le montant que je lui virerai vaudra moins en dollars, donc elle devra leur offrir moins de cadeaux. Je ne veux pas faire une telle peine à mes enfants », explique la jeune femme.

« Moi, je suis venu faire un virement à mon frère, qui est à l'université. J'ai toujours voulu qu'il se concentre sur ses études mais, dernièrement, il a dû prendre un petit boulot. Car le yen ayant tellement baissé, malgré tous ses efforts, il n'arrive plus à joindre les deux bouts avec l'argent que je lui envoie », témoigne l'expatrié népalais.

Pénurie de main-d'œuvre étrangère

La dégringolade du yen complique aussi la donne des entreprises qui emploient des immigrés ou aimeraient en embaucher. « J'aimerais recruter des étrangers, mais je n'y parviens pas à cause de la chute du yen. Beaucoup préfèrent aller travailler à Taïwan ou en Corée du Sud plutôt qu'au Japon. Ils jugent cela plus sécurisant pour leurs familles, à qui ils prévoient d'envoyer une partie de leur salaire », raconte le directeur d'un établissement pour personnes âgées.

La responsable du bureau de recrutement de cet établissement le confirme également : « On n'arrive plus à embaucher et, en plus, un nombre grandissant d'immigrés en viennent à quitter le Japon. Car avec un yen aussi bas, ce n'est plus intéressant, pour eux, de travailler ici. »

C'est le cas de Titsugaï, qui est Vietnamienne et envisage de poursuivre sa carrière dans un autre pays : « Mes parents me disent que ça devient compliqué pour eux à gérer, financièrement. Vu que, désormais, les yens que je leur envoie valent 20% de moins en dollars que l'an dernier. Et je n'ai pas les moyens de leur verser plus d'argent. J'aimerais bien rester au Japon, mais je ne suis pas sûre que ce sera possible si ça continue. »

La moindre attractivité du Japon en raison de la chute du yen est une catastrophe pour le gouvernement. Car l'archipel est confronté à une grave pénurie de main-d'œuvre, due à la fois au vieillissement de sa population et à la dénatalité : 70% des entreprises sont en sous-effectifs. Le pays ne peut donc pas se passer de travailleurs immigrés.

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