Inde: violences ethniques dans la région du Manipur
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En Inde, la région du Manipur, au nord est du pays, est en proie à un sanglant conflit ethnique depuis près de trois mois, qui a coûté la vie à plus de 140 personnes et déplacé plus de 50 000 autres. De récentes vidéos d’agressions sexuelles, diffusées sur les réseaux sociaux, ont choqué l’opinion indienne et forcé le Premier ministre à réagir. Mais sur le terrain, les affrontements continuent, et l’ethnie minoritaire demande maintenant la création d’un État indépendant. Notre correspondant en Inde, Sébastien Farcis, a enquêté sur ce conflit du Manipur.

C’est une vidéo de 27 secondes à peine. On y voit deux femmes dénudées, harcelées par un groupe d’hommes armés et enragés. Elles viennent de l’ethnie des Kukis, minoritaire au Manipur, et sont harcelées par les Meïteis, majoritaires. L’une des femmes sera ensuite violée en réunion. Cette vidéo a réveillé l’opinion indienne sur ce conflit fratricide de l’État du Manipur, qui dure depuis trois mois. Ginza Vualzong est le porte-parole du Indigenous Tribal Leaders' Forum, qui représente les Kukis :
« Ils nous ont tués, ils ont brûlé nos maisons et nos églises et nous ont chassés de la vallée de la capitale, Imphal. Plus de 120 Kukis sont morts. C’est un nettoyage ethnique. »
Les deux communautés, qui vivaient ensemble auparavant, ne se parlent plus maintenant. Les Kukis accusent aussi la police et le gouvernement régional, dirigé par un Meïtei, de participer à cette répression. La rupture est donc consommée : « Nous avons officiellement demandé au ministère de l’Intérieur de créer une région séparée pour les Kukis. Et cela a été appuyé par dix députés régionaux tribaux. Nous ne pouvons plus vivre avec les Meïteis, ils nous haïssent. »
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Ces violences ont débuté après que la cour régionale a recommandé que les Meïteis puissent bénéficier d’avantages réservés aux tribus minoritaires, comme l’achat de terres dans les montagnes, ce qui a affolé les Kukis.
Mais certains groupes profiteraient de cette colère, comme les trafiquants d’héroïne. Le pavot est en effet de plus en plus cultivé dans les montagnes tribales du Manipur. Un commerce illégal qui prospère grâce à la porosité de la frontière avec la Birmanie. Pour l’association Cocomi, composée de Meïteis, la lutte du gouvernement régional contre ces plantations est l’un des facteurs de ces violences. Athouba Khuraijam en est le porte-parole : « L’action du gouvernement représentait une menace pour ce trafic de drogue, et c’est pour cela que les groupes armés kukis ont utilisé ces manifestations pour aggraver les divisions. »
Des groupes indépendantistes armés de Kukis ont en effet été actifs ces derniers mois, et certains de leurs membres ont été arrêtés en possession de grandes quantités d’opium. Mais les civils Kukis refusent l’amalgame, et demandent une protection impartiale et plus efficace du gouvernement régional et de l’armée.
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