Le Danemark applique une loi controversée pour déloger des habitants de quartiers défavorisés
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Au Danemark, au nom de la lutte contre la ségrégation, un plan « anti-ghetto » a été adopté en 2018. Objectif : réduire le nombre de logements sociaux dans les quartiers où les « non-Occidentaux » composent plus de la moitié de la population. Des milliers de locataires sont donc contraints de déménager, des bâtiments entiers vont être détruits et de nombreux logements sociaux vont être vendus dans le privé. C’est ce qui arrive à Mjolnerparken, un quartier métissé du nord de Copenhague.

De notre correspondante à Copenhague,
De gros bouquets de fleurs, des assiettes remplies de fraises, une enceinte, des chaises… Tout est prêt pour la fête qui célèbre depuis 20 ans l’obtention du bac des jeunes du quartier : « Quand on entend parler de Mjolnerparken, c’est toujours à cause de la criminalité. On ne parle pas de ces jeunes qui font de bonnes choses. Je suis si fière de ces enfants, c’est difficile pour eux de s’en sortir, vu l’étiquette qui colle au quartier », commente Julia, originaire du Kosovo.
Voilà 23 ans que Julia habite l’un de ces immeubles en briques rouges, disposés en carré autour de cette petite cour autrefois arborée, défigurée depuis quatre ans par un vaste chantier. « Le bailleur me dit qu’il n’y aura pas d’appartements ici pour moi, que je dois déménager. Mais je ne veux pas, je vais me battre, annonce-t-elle. Tout le monde se sent bien dans le quartier. Il y a beaucoup de compréhension, d’amour, d’entraide, que tu sois noir, blanc, orange ou vert ! »
Une gentrification en marche
Ici, 80% des résidents sont d’origines étrangères de première, deuxième ou troisième génération. Pas moins de 40 nationalités sont représentées. « C’est très étrange pour moi de voir que mon propre pays utilise des critères ethniques pour adopter des lois inhumaines », confie Mohammed Aslam, président de l’Association des résidents de Mjolnerparken. Originaire du Pakistan, cet homme jovial est à la tête d’une entreprise de transport. Il est arrivé au Danemark en 1976, à l'âge de sept ans, et vit ici depuis 35 ans. « Mes enfants ont grandi ici, mes souvenirs sont dans cet appartement, explique Mohammed Aslam. Ils vont le vendre aux investisseurs privés, avec un loyer deux fois plus cher. Donc, ils déplacent les gens qui ont des salaires moyens et des origines étrangères pour faire du profit. »
La « loi ghettos » accélère la gentrification. Elle a aussi pour effet collatéral de déplacer des gens comme Makjen Falle, blonde aux yeux clairs, maîtresse à l’école du coin : « Je suis considérée "occidentale" : je suis une Danoise, blanche, et je ne suis pas musulmane. Si cette histoire de "sociétés parallèles", de "ghetto", était vraie, je ne devrais pas me sentir chez moi ici… C’est une fausse idée. »
Si beaucoup de résidents ont accepté de déménager, d’autres, réunis en collectif, ont attaqué l’État danois et attendent que la Cour de justice de l’Union européenne rende son verdict.
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