Reportage international

Égypte: l'émergence de la nouvelle capitale administrative divise

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C'était le projet de la démesure annoncé par le général al-Sissi en 2015. La nouvelle capitale administrative égyptienne est désormais sortie des sables du désert et prend lentement vie. La Conférence internationale sur la population et le développement s'y est déroulée du 5 au 9 septembre. Mais si la ville tient toutes ses promesses de dimensions pharaoniques, les Égyptiens les plus pauvres n'auront pas les moyens d'y accéder.

Le quartier d'affaires de la nouvelle capitale administrative de l'Égypte, située à 50 kilomètres à l'est du Caire.
Le quartier d'affaires de la nouvelle capitale administrative de l'Égypte, située à 50 kilomètres à l'est du Caire. © Khaled Desouki / AFP
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De notre correspondante au Caire, Léonie Lebrun

Au milieu du désert oriental, la ville nouvelle apparaît dans la brume de chaleur, une tour de 400 mètres de haut perce le ciel, surplombant la cité de 700 kilomètres carrés. Comptez deux heures de train depuis le cœur du Caire ; terminus, quartier de la culture. Un musée, un opéra, encore fermés… Les rues désertes sont jonchées de gravats. Les ouvriers, toujours à l’œuvre. 

Direction le palace hôtel Saint-Regis pour espérer trouver un peu de vie. Une conférence s’y déroule sous les dorures et lustres de cristal. Une des participantes découvre la nouvelle ville. « C’est très chic, plein de choses très chics, plein d’espace, nous avons plein de choses à découvrir, c’est une révolution pour nous », s’exclame Maha. 

Le quartier des ministères, à cinq kilomètres de là, accueille des employés depuis le printemps. Asma est l’une d’entre eux. Elle songe à s’installer ici. « Je pense louer oui, mais acheter… Je ne suis pas sûre qu’avec la crise économique récente, les gens puissent acheter des propriétés à part les investisseurs », souligne-t-elle.

Pour l’achat d’un logement premier prix, il faut débourser un million et demi de livres égyptiennes. Mais les immeubles les plus proches, encore dépourvus de fenêtres, sont toujours en chantier. Cathy a une amie qui a acheté dans un de ces bâtiments. « Elle dit qu’il n’y a ni eau, ni lumière, ni gaz, il n’y a pas encore de services », s’étonne-t-elle.

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Dans le vide de la nuit

Le soir venu, les dizaines de milliers d’employés de ministères rentrent chez eux, dans la vieille ville du Caire. Loin, bien loin du grand vide de la nouvelle capitale. C’est là que Mrigi, 64 ans, tient son kiosque à cigarettes et sucreries.

 J’habite là en ce moment, je dors là, dans mon kiosque… Tu penses que c’est des gens comme moi qui vont aller dans la nouvelle capitale ? La capitale veut des gens fortunés, qui ont des cartes visas, de l’argent.

Lucide sur sa situation, il voit pourtant d’un bon œil cette nouvelle ville : « Cela crée des opportunités d’emploi pour les jeunes qui aujourd’hui n’ont pas de travail… Pour les jeunes cultivés, qui parlent anglais ou français, c’est pas mal du tout  », pense-t-il.

Mais toute la jeunesse n’est pas concernée. Hoda, 23 ans, aide ses parents dans leur modeste commerce d’électricité. « Moi par exemple, je n’en profiterai pas ! Pourquoi on fait de belles choses pour seulement certaines personnes ? Ce n’est pas pour les gens simples, mais pour des gens bien spécifiques », clame Hoda.

Elle refuse même d’aller visiter la nouvelle ville. Ce n’est pas son monde. Cette capitale restera pour elle un mirage au milieu du désert.

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