Loi sur la cybercriminalité: «Elle va faire de la Jordanie le royaume du silence !»
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En Jordanie, la loi sur la cybercriminalité vient d'entrer en vigueur, ce qui inquiète la société civile. Pour le gouvernement, il s'agit de lutter plus efficacement contre les fausses informations et la diffamation en ligne. Pour ses détracteurs, elle muselle la liberté d'expression. À Amman, journalistes et militants sont très inquiets.

De notre correspondante à Amman,
Dans les rédactions des médias indépendants, la nouvelle loi est particulièrement décriée. Le texte condamne la diffusion sur internet de « fausses informations », « l'atteinte à la réputation », le « mépris de la religion » ou encore « l'atteinte à l'unité nationale ». Cette loi ne cible pas spécifiquement les journalistes, mais ils sont en première ligne. « Elle va faire de la Jordanie le royaume du silence !, s'inquiète Yahia Shukkeir, journaliste depuis 40 ans. Chaque jour, quand j'écris un article, j'ai vraiment peur de cette loi, car elle augmente l'autocensure, donc je n'ose plus critiquer le gouvernement. Le gouvernement veut créer un véritable bouclier pour protéger les hauts fonctionnaires de toutes critiques. C'est problématique pour moi en tant que journaliste, mais aussi pour tous les Jordaniens. »
La nouvelle loi pénalise de nombreux comportements en ligne, mais sa formulation reste vague, ce qui laisse un large pouvoir d'appréciation aux autorités, selon Yahia Shukkeir : « Si quelqu'un critique un haut responsable, les autorités peuvent l'interpréter comme étant de la diffamation, ils peuvent nous poursuivre. Et le procureur général peut placer n'importe qui en détention provisoire pour un mois. »
Un recul pour la liberté de la presse
Les accusés risquent une amende de 5 à 20 000 dinars jordaniens, soit 7 à 27 000 euros. Et de trois mois à trois ans de prison. Le Roi Abdallah II, lors d'une rencontre mi-août avec des organisations de défense des droits humains a assuré que cette loi n'entraverait pas la liberté d'expression dans le pays. Pas de quoi convaincre, Asem Al Omari. L'avocat conseille régulièrement des journalistes. Dans un français parfait, il explique pourquoi cette loi marque, selon lui, un tournant : « Cette loi ouvre les autoroutes pour envoyer en prison tous ceux qui ouvrent leurs bouches pour n'importe quelle raison. Il n'y a plus de garantie, il n'y a plus d'opinion publique qui pèse. Cette loi est un signe qu'on ne veut pas de dialogue, pas de débat public, qu'on ne veut pas de discussion au niveau national. »
En 2023, la Jordanie a perdu 26 places au classement de Reporter sans frontières sur la liberté de la presse.
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