En Irlande du Nord, le lac du Lough Neagh victime d’une pollution dévastatrice
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L’été dernier, ce lac aussi grand que Malte s’était transformé en gigantesque peinture verte, saturée de cyanobactéries. Depuis, les habitants du lac appellent désespérément la classe politique à agir contre la prolifération de ces algues toxiques.

« Au moins l’année dernière, quand les cyanobactéries sont apparues, comme elles l’ont fait, ils ont tous écouté, enfin ! On peut dire que c’était positif en quelque sorte, ça a attiré l’attention sur un problème qui existe depuis très, très longtemps. » Dans la famille McErlain, cela fait sept générations qu’on pêche dans le Lough Neagh. Pourtant, Gary McErlain, aux yeux bleus perçants, n’avait jamais rien vu de tel. Le Lough Neagh, cette immense étendue d’eau – qui équivaut, selon lui, à 7 millions de piscines – étouffait, l’été dernier, sous une épaisse couche d’algues vertes.
Cette vase gluante n’est peut-être plus visible, mais d’après Gary, la menace existe toujours : « Les cyanobactéries sont-elles toujours là ? Eh bien, vous ne pouvez pas les voir à cette période de l’année, nous sommes en janvier, l’eau est beaucoup plus froide, les températures sont basses. Mais les polluants sont-ils toujours présents ? Absolument, il n’y a aucun doute là-dessus. Et Dieu merci, il semble que le Parlement de Stormont va être restauré. C’est ce dont nous avons besoin. Nous ne pouvons pas résoudre ces problèmes sans gouvernement. Il s’agit d’une catastrophe naturelle. Quel que soit le niveau du gouvernement auquel il faudra frapper à la porte, pour réexaminer la question, je me battrai pour cela ! »
La pollution du lac n’est en effet pas nouvelle et n’a fait qu’empirer. Une conséquence du blocage du système politique local. Pendant deux ans, le Parti démocratique unioniste en Irlande du Nord a boycotté le Parlement : ils s’étaient retirés de Stormont pour s’opposer aux règles commerciales post-Brexit. Faute d’exécutif, c’est Londres qui avait alors géré les affaires courantes en Irlande du Nord. Mais mardi, les unionistes ont enfin accepté un accord.
Un problème nord-irlandais
La fin de cette paralysie politique donne aussi un peu d’espoir à Gerry Darby, qui n’est pourtant pas du genre à mâcher ses mots. Gerry est le directeur du Lough Neagh Partnership, une association caritative, qui tente de sauver le lac depuis des années. Mais d’après ce grand gaillard, le principal responsable de la pollution, ce serait d’abord l’accord du Vendredi saint. L’accord historique, signé en 1998, pour mettre fin à trente ans de conflits dans la région, entre autorités britanniques et paramilitaires pro-réunification avec la République d’Irlande.
« Lough Neagh n’a jamais été inclus dans l’accord du Vendredi saint. C’est aussi simple que cela, explique Gerry Darby. Vous savez, il n’a pas la même législation que d’autres grands lacs et rivières ont dans tout le reste de l’Irlande. Il n’y a pas de législation sur la navigation sur Lough Neagh, qui faciliterait par exemple les investissements, de la même manière que cela se fait pour la rivière Bann, le Lough Erne ou les rivières du Sud. Le Lough Neagh a complètement été négligé… C’est un peu comme un bébé moche. » Pourtant, l’été dernier, ce « bébé moche » a tué des cygnes. Il a tué des chiens. Et près de la moitié de la population d’Irlande du Nord boit quotidiennement l’eau de ce lac.
Le Lock Keeper's Cottage, un petit restaurant sur les rives du lac, On y retrouve Ciara Laverty, ranger du Lough Neagh, pour qui, la cause de la crise est assez évidente : c’est l’accumulation des nutriments. « Il faut regarder ça comme un problème nord-irlandais, pas simplement un problème du Lough Neagh, souligne-t-elle. Six rivières principales alimentent le Lough, et cela draine près de la moitié de l’eau de l’Irlande du Nord. En tant que grand pays agricole, une partie de cela provient du ruissellement des terres agricoles. Les autres causes de la pollution, c’est le traitement insuffisant de l’eau. Et il y a aussi une nouvelle espèce invasive dans le lac : les moules zébrées. Elles filtrent l’eau, mais en fait, ça laisse alors la lumière pénétrer en profondeur, ce qui stimule la croissance des cyanobactéries. En marchant le long du rivage, tout ce que vous pouvez voir, ce sont des coquilles de moules zébrées, c’est assez effrayant quand on voit leur nombre. »
Una Johnston, 65 ans, a vécu toute sa vie près du lac. C’est elle qui gère aujourd’hui le Lock Keeper’s Cottage. À cause des odeurs de gaz qui s’échappaient du lac, plus personne ne s’aventurait dans son café. Ils ont failli fermer. Mariée à un pêcheur du Lough Neagh, elle a également peur pour lui : « Les pêcheurs ne savent pas ce que cela va entraîner, ils ne savent pas s’ils auront une saison de pêche. Personne ne sait. » Car même si les poissons survivent aux algues, qui voudra consommer ce qui vient d’un endroit si pollué ?
Un reportage à écouter dans on intégralité dans Accent d'Europe
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