Reportage international

Élections en Inde: dans l’Haryana, le chômage des jeunes joue contre Narendra Modi

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Encore dix jours d’élections en Inde, ou Narendra Modi vise un troisième mandat. Le Premier ministre traîne avec lui un boulet lors de ce scrutin :  le chômage des jeunes. L'État le plus touché est celui de l’Haryana avec 25 à 40 % de chômage selon les estimations. Sur place, la jeunesse dénonce le manque cruel de perspectives et la baisse des postes de fonctionnaires.

La Mission Defence Academy forme et héberge une centaine d'étudiants aux concours de l'armée, à Rohtak.
La Mission Defence Academy forme et héberge une centaine d'étudiants aux concours de l'armée, à Rohtak. © Côme Bastin / RFI
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De notre envoyé spécial à Rohtak,

Le soleil se lève sur le stade Rajiv Gandhi de Rothak. En cette période de canicule, ce sont les seules heures ou il est humainement possible de s'entraîner. Il y a déjà foule de jeunes qui courent et font des pompes. Rahul a 19 ans en engloutit un litre d’eau. 

« J'ai commencé l'entraînement physique il y a quatre mois pour rejoindre la police », explique le jeune homme. « Je préfère la discipline et la routine. L'entraînement, au sein de la Mission Defence Academy est de qualité. Je voulais intégrer l’armée, mais depuis la réforme, c’est devenu très difficile. Beaucoup de mes amis ont aussi abandonné d’intégrer l’armée. »

La réforme dont il parle s'appelle « Agneepath ». Elle a réduit la durée d'enrôlement dans l’armée à quatre ans, au lieu d’un poste jusqu'à la retraite. Or, dans l’Haryana, l’armée est un des principaux débouchés pour les jeunes. 

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À la Mission Defence Academy, ils sont une centaine d’adolescents à payer environ 100 euros par mois pour une chambre partagée et des cours préparatoires aux examens militaires. Mais tout s’est dégradé, juge Babu Kumar, qui a ouvert en 2019. 

« L’Haryana, c’est 2 % de la population indienne, mais 10 % des soldats. On trouve une centaine d'académies militaires comme la nôtre ici ! La baisse des recrutements dans l’armée, c'est terrible pour nous ! Auparavant, nous étions fiers de préparer nos étudiants à un travail stable. Désormais, c'est très imprévisible. Il y a entre 25 % et 50 % d’étudiants en moins », estime Babu Kumar.

Mission impossible

Cette réforme contestée vient s’ajouter à une situation déjà très difficile sur le front de l’emploi dans l’Haryana. L’agriculture industrielle emploie de moins en moins de travailleurs et paie mal… et l’industrie reste embryonnaire. Pour la jeunesse, c’est désormais mission impossible, regrette Manish Kumar, directeur d’un institut de cours privés. 

« Le taux de chômage est aujourd’hui de 37 % dans l'Haryana, c’est du jamais vu et le plus élevé d'Inde », indique Manish Kumar. « Il y a aussi une très importante inflation. Alors désormais, les jeunes se disent qu'il leur faut partir à l’étranger pour s’en sortir. Certaines académies privées se reconvertissent d’ailleurs pour proposer de s’expatrier. »

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Est-ce que ce désespoir économique va impacter l’élection ? Pas de doutes pour Rakesh, père de famille, qui boit un thé devant une des salles de sport de Rohtak. 

« Je suis venu accompagner ma fille aînée au cours de boxe. Une autre de mes filles s'entraîne à la lutte et mon fils, lui, se prépare pour intégrer les commandos. Je suis très en colère contre le gouvernement, car aujourd’hui c’est plus dur encore qu'à mon époque pour les jeunes de trouver un travail. Mes amis et moi, on a soutenu Narendra Modi, mais cette fois, on votera pour l’opposition. »

Dans tout le pays, le chômage s’est imposé comme une préoccupation majeure lors de ces élections. Reste à savoir à quel point les électeurs indiens tiendront Narendra Modi pour responsable.

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