Colombie: l'essor de l'açaï offre un espoir pour les paysans dépendants de la coca
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La production de cocaïne continue de battre des records en Colombie, portée par l’extension rapide des cultures illicites de coca. En un an, elle a bondi de près de 34%, selon les derniers chiffres officiels. Dans le Putumayo, les plantations de coca sont omniprésentes. Il s’agit du premier département producteur de coca de Colombie, avec plus de 50 000 hectares consacrés à cette culture illicite, contrôlés par les groupes armés. Mais une petite baie amazonienne, l’açaï, suscite ici de nouveaux espoirs économiques et écologiques.

De notre envoyée spéciale à Puerto Asis,
Darío est venu chercher son dû à l’entreprise et ONG Amapuri - CorpoCampo qui achète ses fruits. À plus de 70 ans, ce paysan du Putumayo a été l’un des premiers à croire en l’açaï comme alternative à la coca. Pour lui, cela a tout changé. « Avant, je gagnais ma vie avec la coca. Puis j'ai réalisé que la coca était de toute façon un gros problème. Alors, on a commencé à planter de l'açaï. Cela bien marché pour nous : on n'a plus de problèmes avec personne. L'açaï est un produit qui rapporte de l'argent et apporte du bien-être. Avec cela, j'ai complètement arrêté la coca », raconte-t-il.
Comme Darío, près de 1 400 familles du Putumayo se sont tournées vers ce « super aliment » avec l’aide de Corpocampo. Julio, par exemple, y voit un moyen de vivre dignement. « Je pense que l’açaï, c'est ma retraite. C’est l’espoir que les choses s'amélioreront à un moment. Car de l’açaï, on peut sortir beaucoup de produits dérivés, donc il n'y a pas de problème », explique-t-il.
Depuis le début des années 2000, les programmes de substitution de la coca se succèdent dans le département, sans grand succès. Mais l'açaï pourrait offrir un avenir plus stable. C’est dans cet objectif qu’a été créé Amapuri - CorpoCampo, comme l’explique Yimy, l’un des fondateurs. « Malheureusement, depuis plus de 40 ans dans le Putumayo, toute une génération a été élevée avec la coca. Il y a des jeunes qui ne savent rien faire d'autre que de vivre de la coca, de la culture, de la transformation, parfois du transport. Cela conduit certains d'entre eux à s'impliquer dans des groupes armés, ce qui génère de la violence. Avec l'açaï, nous cherchons à changer cet esprit et à faire en sorte que les gens commencent à se rendre compte qu'il existe un modèle économique légal », détaille-t-il.
Mais cette aubaine n'est pas sans risques : le boom annoncé de l’açaï pourrait bien, comme au Brésil, favoriser la monoculture et menacer la forêt. Ici, le pari est donc différent et repose sur l’agroforesterie, comme l’explique Mauricio, un technicien agronome venu cet après-midi, malgré les trombes d’eau, conseiller les paysans sur la santé de leurs palmiers. « L'idée est de rétablir la biodiversité perdue en Amazonie à la suite de l'abattage des forêts pour l'économie illicite. Dans le Putumayo, nous mettons en place des systèmes agroforestiers, dans lesquels le palmier d’açaï est associé à d'autres espèces, y compris des cultures natives de la région », affirme-t-il. Un enjeu de taille pour que, demain, les enfants du Putumayo puissent grandir loin de la coca et préserver un bout d’Amazonie.
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