
Pour la presse malienne, depuis ces derniers jours, c’est clair : les FAMa, les forces armées maliennes, ont fait du bon travail à Moura, dans le cercle de Djenné.
L’Enquêteur à Bamako raconte : « après la destruction des bases terroristes sur l’ensemble du territoire malien par nos vaillants soldats fin 2021, les groupes terroristes étaient de retour ces derniers temps dans la localité de Djenné pour faire pression sur de paisibles populations civiles qui ont collaboré avec l’armée malienne. Suite à ses informations et le cri de cœur des populations de la localité, les FAMa ont mené une opération dans le cercle de Djenné fin mars. Le bilan est très lourd selon le communiqué de l’Etat-major général des armées. Cette opération de grande envergure, qui s’est déroulée dans la zone de Moura (…), a permis aux hommes du Général Oumar Diarra de neutraliser 203 combattants de groupes armés terroristes, d’arrêter 51 personnes. Et le bilan matériel fait état de 200 motos saisies et brulées et aussi d’importantes quantités d’armes et de munitions ont été récupérées sur les terroristes dans leur débandade. »
« Un succès saboté… »
Tjikan, autre périodique malien, commente : « une base terroriste démantelée ! La peur a changé de camp, s’exclame encore Tjikan. Le temps où les ennemis du pays régnaient en maître absolue avec des carnages sans cesse contre nos forces de l’ordre et de sécurité et contre les innocentes populations civiles, ce temps est révolu. »
« Moura, victoire éclatante de l’armée », applaudit en Une le quotidien L’Essor. L’Essor qui regrette que ce « succès » soit « saboté par toute une faune de pseudo-spécialistes du Sahel et de prétendus défenseurs des droits de l’homme, alliés objectifs des groupes terroristes, mettant en avant des pertes parmi les populations civiles pour ternir l’image de l’armée. »
D’ailleurs, Malijet est formel : « aucun civil n’a été tué par l’armée malienne à Moura. » Le site d’information malien affirme se baser sur des témoignages d’habitants sur place.
Exécutions sommaires ?
De nombreuses sources locales et internationales n’ont pas du tout la même interprétation des faits…
Notamment, rapporte Le Monde Afrique, l’ONG Human Rights Watch qui estime qu’ « environ 300 hommes civils, dont certains soupçonnés d’être des combattants islamistes », ont été « sommairement exécutés » par les FAMa et leurs supplétifs « étrangers » lors de cet incident, qualifié par l’ONG de « pire atrocité » signalée depuis le début de la guerre déclenchée dans le nord du Mali en 2012.
« Dès le début du siège de Moura, rapporte pour sa part Le Point Afrique , des ONG locales et internationales ont alerté sur des violences indiscriminées qui étaient en cours dans le village. Des informations qui sont parvenues jusqu’à la Minusma, la Mission de l’ONU au Mali présente, non loin, dans la région de Mopti. »
« Comme l’UE, nombre de partenaires internationaux et d’ONG attendent désormais une enquête indépendante de la Minusma », pointe Jeune Afrique.
Chape de plomb
Seulement voilà, la Minusma attend toujours le feu vert des autorités maliennes… Et « rien n’est moins sûr qu’elle l’obtienne, estime Le Pays au Burkina, car on voit mal Bamako courir le risque d’offrir sur un plateau d’or ses troupes à la Minusma pour qu’éclate la vérité sur les exactions à Moura. D’où la difficile équation de la Minusma. Rappelons que par le passé, pointe encore Le Pays, la Minusma avait pu enquêter sur de nombreuses allégations d’exactions commises par les Forces maliennes ou françaises, comme à Bounty, il y a un peu plus d’un an. Le rapport onusien s’était montré alors accablant pour la force Barkhane. Mais l’arrivée de supplétifs russes aux côtés des soldats maliens et le secret entretenu par Bamako autour de leurs activités ont considérablement limité l’accès à certaines informations et à certaines zones. »
D’autant, souligne Le Monde Afrique, que les pressions de la junte sur les organisations maliennes de défense des droits de l’homme et sur les journalistes se sont intensifiées.
Enfin, faut-il le rappeler, le 17 mars, Bamako a ordonné la suspension de la diffusion de RFI et de France 24, accusés de « fausses allégations » après avoir dénoncé des exactions de l’armée malienne et de Wagner contre des civils.
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