À la Une: le coup d’État au Gabon fait parler dans toute l'Afrique
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Un pays « à nouveau ouvert au monde », se réjouit Gabonactu, qui salue le rétablissement des signaux de communications, coupés après le scrutin de samedi. « Ce sont les premiers actes d’ouverture posés par les militaires qui se sont emparés du pouvoir à Libreville », ajoute le site, qui décrit une capitale « en liesse » mercredi, avec une marche pacifique dans plusieurs quartiers. Une marche « encadrée par les forces de défense et de sécurité, très adulée par la population », peut-on lire. « Les hommes en tenues, tous corps confondus, mais surtout les soldats de la Garde républicaine, ont été particulièrement portés en triomphe, fortement applaudis à leur passage », abonde Gabonreview, pour qui c’est « sans surprise » que le patron de cette garde a été choisi pour « présider la transition ».
Brice Oligui Nguema : un nom, un visage et un parcours omniprésents dans la presse africaine
Brice Oligui Nguema est « un haut gradé qui gravite depuis longtemps dans le premier cercle du pouvoir », nous dit le site guinéen Aminata, qui évoque ce fils d’officier « formé au Maroc, pays très proche du Gabon », et qui a su « se faire remarquer » pour devenir aide de camp d’Omar Bongo. Selon La Nouvelle Tribune, il est aussi célèbre « pour son statut de multimilliardaire, son implication dans une affaire de détournements de fonds et ses liens avec les milieux de la drogue des cartels sud-américains-ivoiriens. Il a, nous dit le quotidien béninois, marqué l’histoire politique moderne du Gabon. Il lui reste à assurer la transition politique, à organiser des élections démocratiques présidentielles, et à remettre le pouvoir au gagnant. »
WakatSéra, de son côté, fait dans la métaphore footballistique : « Alors que la Coupe d’Afrique des coups d’État a été relancée en 2020 au Mali, les militaires gabonais viennent de s’illustrer par un contre-son-camp magistral » signé Brice Oligui Nguema qui, poursuit le site, « n’a pas laissé la moindre chance à Ali Bongo Odimba, un gardien de but qui était physiquement diminué par un AVC, et surtout à bout de forces » après les élections de samedi. « C’était prévisible », ajoute Wakatséra qui se demande quand même : « Pourquoi les putschistes ne se sont-ils pas contentés de rétablir l’ordre de résultats des élections qu’ils disent avoir été tronqué ? » Pour le site, « ce coup d’État est plutôt contre l’opposant Albert Ondo Ossa ».
Une manœuvre néfaste à Ondo Ossa, une interprétation que n’excluent pas d’autres titres de presse
On est peut être face à « un coup d’État arrangé », nous dit Aujourd’hui au Faso, « pour ne pas avoir à proclamer Albert Ondo Ossa vainqueur de la présidentielle ». « Putsch réel ou jeu de chaises », titre l’ivoirien Fratmat, pour qui « c’est le maintien d’un système qui suscite des débats ». Le nouvel homme fort du pays n’est pas si nouveau que ça puisque c’est « un pur produit du système », estime L’Observateur, qui se demande si on n’assiste pas « à une simple révolution de palais ». Brice Oligui Nguema « voudra-t-il ou pourra-t-il déconstruire un système dont il a été l’un des principaux acteurs et bénéficiaires ? », s’interroge aussi le quotidien burkinabé.
Quoi qu’il en soit, « aucune circonstance atténuante pour Bongo », nous dit Ledjely, pour qui ce troisième mandat, même s’il « n’a duré qu’une heure tout au plus », était le « mandat de trop ». Et le président déchu « ne peut pas espérer le même élan de solidarité que celui que la communauté internationale témoigne depuis un mois » à son homologue nigérien Mohamed Bazoum. Dans son édito, IciLomé va plus loin encore : « Ali Bongo l’a bien cherché », lit-on.
« Malade, diminué, il avait pris le risque de se présenter pour un troisième mandat », là où il aurait pu laisser sa place à un autre candidat de son parti. Pour le site togolais, « les chefs d’État africains doivent comprendre que les officiers maliens et burkinabè, quel que soit ce qu’on peut leur reprocher, dégagent un certain charisme que leur envient les militaires des autres pays africains, surtout francophones ». « Donc, il ne faut pas donner le bâton pour se faire battre. C’est exactement ce qui s’est passé au Gabon », poursuit IciLomé.
De nombreux autres titres de presse africains font le parallèle avec les autres coups d’État des dernières années sur le continent
C’est une « épidémie » pour TSA, « une tendance en vogue ». Le média algérien fait la liste : Mali, Guinée-Conakry, Burkina Faso, Niger... « Et d’aucuns s’interrogent déjà si cette succession n’aura pas un effet de contagion, car les raisons, à quelques différences près, sont les mêmes » ajoute le site qui se demande : « Qui stoppera cette spirale ? » Réponse : « Certainement pas l’Union africaine, dont le curieux effacement et son attitude à l’égard de la situation au Niger a montré les limites de son influence. » Pour Mourya Niger, « l’axe Mali-Burkina -Niger vient de recevoir un précieux renfort, en affaiblissant considérablement la France qui, désormais, évolue dans un contexte très difficile à gérer, d’autant plus que le régime Bongo incarnait le cœur de la France-Afrique depuis l’indépendance. »
Et puis, cette « épidémie » de coups d’État fera-t-elle de nouvelles victimes ? Il y a en tout cas des pays qui se méfient, si l’on en croit La Nouvelle Tribune, qui raconte que le jour même du putsch au Gabon, le président du voisin camerounais, Paul Biya, a lui signé un décret pour « procéder à des nominations dans l’armée camerounaise ». Alors oui, reconnaît le journal, « aucun lien n’a été fait officiellement ». Mais cette décision intervient quand même « dans un contexte régional marqué par des changement politiques majeurs ». C’est vrai que la coïncidence est « troublante », écrit Africaguinée, pour qui, face à la crainte de « l’effet domino » et voyant venir « l’ouragan qui balaie des chefs dictateurs », Paul Biya « cherche à assurer ses arrières ».
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