Si loin si proche

Sur les routes de la soif avec Cédric Gras

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Parti le long du fleuve Amou Daria, aux sources de la mer d’Aral désormais asséchée, l’écrivain et voyageur français nous alerte de sa plume éclairée sur la pénurie d’eau qui menace l’Asie Centrale.

La mer d’Aral a perdu 90% de sa superficie. Désormais, les Ouzbeks disent Aralkum : « le désert d’Aral ».
La mer d’Aral a perdu 90% de sa superficie. Désormais, les Ouzbeks disent Aralkum : « le désert d’Aral ». © Christophe Raylat
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La première fois que l’on avait reçu l’écrivain géographe Cédric Gras, en 2015, ce dernier courait après l’automne en Extrême-Orient russe, dans une déglingue post-soviétique et une désolation géographique propre à ces confins… Un prix Albert Londres et cinq livres plus tard, le voici remontant le fleuve Amou Daria, véritable Nil de l’Asie Centrale aujourd’hui surexploité, sur des terres arides où la désolation est également de mise, en particulier en aval du fleuve, aux abords d’une mer d’Aral condamnée. La désolation c’est un terme qui évoque la peine, le sentiment de tristesse profonde mais aussi l’état d’un lieu rendu inhabitable, ravagé, désert… 

Tout au long de son récit, c’est justement cette désolation qu’interroge Cédric Gras, croisant des pêcheurs karakalpaks qui n’ont plus de mer pour pêcher, filant à travers des champs de coton ou des rizières en plein désert qui essorent le fleuve, interrogeant la provenance du moindre filet d’eau dans des cités légendaires de la route de la soie qui ne cessent d’enfler, retraçant l’histoire du canal Karakoum au Turkménistan, qui avec ses 1 300 km de long, représente le plus long canal d’irrigation au monde et achève de saigner le fleuve.

Chemin faisant, ce spécialiste des mondes russes, n’oublie pas, comme il sait si bien le faire, de convoquer les rêves prométhéens des Soviets. Ce temps où Staline entendait « transformer la nature » et faire de l’Asie Centrale un pays de cocagne, quitte à détourner les cours d’eau et quadriller la région de canaux, aujourd’hui en piteux état. Plus tard, d’autres ont même rêvé de détourner les fleuves sibériens vers l’Asie Centrale. Aujourd’hui, ce sont les Talibans qui prévoient un canal pour prélever, eux aussi, leur part de l’Amou Daria.

À l’issue de ce périple sinueux, sur près de 2 500 km, de l’Ouzbékistan au Tadjikistan en passant par le Turkménistan, Cédric Gras se hisse sur les hauteurs du Pamir jusqu’au glacier Fedtchenko, le château d’eau de l’Asie Centrale. Sans sombrer dans la solastagie, l’auteur nous alerte surtout, portant la plume dans la plaie, la trempant dans l’eau d’un fleuve nourricier mais en danger.

À lire :

Les routes de la soif : voyage aux sources de la mer d’Aral. Cédric Gras. Éditions Stock. 2025

Alpinistes de Mao. Cédric Gras. Éditions Stock. 2023

Alpinistes de Staline. Cédric Gras. Éditions Stock. 2020

La mer des cosmonautes. Cédric Gras. Éditions Paulsen. 2017

L'hiver aux trousses. Cédric Gras. Éditions Stock. 2015.

À voir :

- La série documentaire « Aux sources de la mer d’Aral » de Christophe Raylat, avec Cédric Gras pour Arte. En deux épisodes, le premier sur le fleuve Amou Daria, le second sur le fleuve Syr Daria.

Cédric Gras avec un pêcheur, sur la petite mer d’Aral qui subsiste côté Kazakhstan.
Cédric Gras avec un pêcheur, sur la petite mer d’Aral qui subsiste côté Kazakhstan. © Christophe Raylat

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