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Irak: pourquoi la crise politique s'éternise?

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L’Irak est dans une impasse politique depuis les élections législatives d’octobre 2021. Devenu la première force politique du pays, le mouvement du chef religieux Moqtada Sadr avait décidé de rompre avec l'alliance traditionnelle des partis chiites. Le 29 août 2022, les sadristes ont bloqué le Parlement pour exiger la dissolution de l'Assemblée et de nouvelles élections. Pourquoi cette crise s'éternise ? Jusqu'où ce blocage s'immisce-t-il dans le quotidien des Irakiens ? De retour d'Irak, Guilhem Delteil, journaliste au service international de RFI, raconte. 

Les partisans du religieux chiite Moqtada Sadr agitent un drapeau national depuis le toit du palais du gouvernement lors d'une manifestation à Bagdad, en Irak, le 29 août 2022.
Les partisans du religieux chiite Moqtada Sadr agitent un drapeau national depuis le toit du palais du gouvernement lors d'une manifestation à Bagdad, en Irak, le 29 août 2022. © AP Photo/Hadi Mizban
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Dans cet épisode de Témoins d'actu, Guilhem Delteil revient tout d'abord sur les événements du 29 août : « La situation s'est embrasée lorsqu'en milieu de journée, Moqtada Sadr, chef religieux chiite, a fait une déclaration annonçant son retrait définitif de la vie politique. Ses partisans qui campaient dans le quartier gouvernemental de Bagdad, la capitale irakienne, ont envahi les bureaux du Premier ministre. Les milices sont entrées en jeu, il y a eu des combats pendant près de 24 h avec une trentaine de morts ».

Pour expliquer cette crise, il faut remonter aux élections législatives de 2021 : « Le mouvement de Moqtada Sadr remporte le scrutin avec 73 des 329 sièges que compte le Parlement. Il est très loin d'une majorité, mais décide de rompre avec les usages politiques irakiens qui prévalent depuis l'invasion américaine de 2003 et la mise en place d'un nouveau système dans lequel les postes sont répartis par confessions religieuses et par groupes ethniques ».

Moqtada Sadr exclut alors une coalition avec l'autre mouvement chiite, le Cadre de la coordination de l'ancien Premier ministre, Nouri al-Maliki, qu'il accuse d'être corrompu et décide de se tourner vers une alliance avec les sunnites et les Kurdes. « Il y parvient, explique Guilhem Delteil, mais malgré tout, il n'a pas la majorité nécessaire pour former un gouvernement ». 

Après plusieurs mois de bataille politique au Parlement, il finit par jeter l'éponge et demande à ses députés de démissionner. « Nous sommes le 12 juin, Moqtada Sadr n'a plus de porte-voix à l'Assemblée, il rejette le candidat au poste de Premier ministre présenté par ses adversaires et décide de mobiliser la rue. Très écouté, il y parvient. Depuis le mois de juillet, ses partisans campaient près du parlement, jusqu'à cet embrassement du 29 août ». 

Guilhem poursuit en expliquant que la majorité des Irakiens qu'il a rencontrés ne sont absolument pas intéressés par ce bras de fer entre Moqtada Sadr et le Cadre de la coordination : « Son mouvement a été dans des gouvernements, certains de ses hommes dirigent des ministères qui gèrent la santé ou encore l'électricité et tout cela fonctionne très mal. Du coup, beaucoup ne croient pas à sa sincérité quand il parle de lutte contre la corruption. Le quotidien est difficile, il est fait de coupures d'électricité et d'eau ». 

Les habitants que Guilhem Delteil a interrogés ont volontiers répondu à ces questions, mais la peur est souvent présente : « En Irak, chaque parti politique a une milice et parler, c'est parfois s'exposer à des conséquences assez violentes ». 

Notre journaliste conclut en disant qu'il est difficile de faire des pronostics pour la suite : « Moqtada Sadr est en retrait, il a annoncé la dissolution des institutions qui lui sont liées, mais est-ce définitif ou pas ? Ses rivaux ont plus ou moins une certaine liberté d'action. Ils parlent également d'élections anticipées, mais ils savent que si elles devaient réellement avoir lieu, cela permettrait à Moqtada Sadr de revenir, et même minoritaire, il reste probablement le dirigeant politique le plus populaire d'Irak et pourrait ressortir vainqueur du scrutin ». 

►À écouter aussi : Irak: un désir de changement

 

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