« Le fait du jour en Asie », c’est votre nouveau rendez-vous avec l’actualité asiatique, tous les jours à cette même heure sur RFI. Et ce matin, nous partons à Pékin, en Chine, où un livre sur un empereur du XVIIe siècle est aujourd’hui censuré.
Oui « l’Empereur diligent d’une dynastie ratée » - c’est le titre de cet ouvrage qui retrace la vie du 17e et dernier empereur de la dynastie Ming. Un règne controversé et qui s’est très mal terminé puisque l’empereur Chongzhen a fini par se pendre au petit matin sur la « colline du charbon » près de la Cité interdite à Pékin, alors que les rebelles approchaient de la capitale chinoise.
Et donc, près de 400 ans après, l’ouvrage sur la vie de cet empereur a visiblement chagriné les censeurs...
En fait, c’est la réédition du livre qui est censurée. On trouve encore l’ancienne version sur les plateformes de ventes en ligne, mais avec un titre plus soft : « Le passé de Chongzhen ». Cette nouvelle publication date d’il y a un mois. Elle a totalement disparu des librairies et des réseaux, rapporte le Financial Times. Le 16 octobre dernier, l’éditeur a déclaré que l’ouvrage avait eu un « problème d’impression ». Certains internautes affirment même avoir été rappelés par leur libraire qui leur aurait demandé de rapporter leur achat.
Pourquoi une telle censure ?
Visiblement, c’est la nouvelle couverture avec un bandeau qui a fait bondir les censeurs. Plus Chongzhen travaillait dur, plus l’empire s’effondrait, dit le texte du bandeau : « Plus il était diligent, plus la chute était rapide. » Cette nouvelle couverture plus accrocheuse a semble-t-il poussé les gardiens du net à lire ce qu’il y avait à l’intérieur.
Le livre raconte, entre autres, que le dernier empereur a purgé l’élite politique de l’époque. Il a par exemple commandé l’exécution d’un de ses généraux vainqueurs des Mandchous. « Purges », « mesures insensées »... Les gardiens du net qui sont obsédés par tout ce qui pourrait faire allusion à la politique actuelle, ont donc interdit le livre.
Ian Johnson est expert de la politique chinoise et auteur de Sparks : les historiens clandestins de la Chine et leur bataille pour l'avenir : « Je ne pense pas que ce type de livre puisse devenir populaire, mais clairement le gouvernement ou quelqu’un dans le gouvernement s’en inquiète et l’a jugé trop sensible pour être republié. Ils ne peuvent pas effacer le fait que le dernier empereur Ming se soit suicidé, mais... vu qu’il y a des parallèles avec la situation actuelle, c’est probablement un officiel local qui s’inquiète de quelque chose qui pourrait apparaître comme sensible. Il s’est dit : « mieux vaut la sécurité, allez on l’interdit ! »
Cette censure de faits historiques est-elle une nouveauté ?
Non mais ce qui surprend ici, c’est qu’un ouvrage qui a été validé par la censure avant publication, soit rappelé. Sinon le contrôle et la réécriture de l’histoire sont quasi une marque de fabrique. Et ça a été encore renforcé depuis l’arrivée au pouvoir du président chinois. Les autorités sont en guerre contre ce qu’elles appellent le « nihilisme historique », en gros toute version de l’histoire qui contredit l’historiographie officielle du parti. Et cela peut remonter à bien avant la République de Mao. On se souvient notamment de l’annulation d’une exposition sur Gengis Khan à Nantes en France en 2020, que la Chine (qui envoyait les pièces) voulait censurer.
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