Indonésie: le président Prabowo fragilisé par un mouvement de colère
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En Indonésie, la plus grande nation de l’Asie du Sud-Est, le calme précaire règne dans les rues, quadrillées par l’armée et la police déployées en force pour réprimer un mouvement de contestation. Au moins dix personnes ont été tuées, vingt sont toujours portées disparues, et au moins 3 000 manifestants ont été arrêtés.

Chômage, emplois précaires, inégalités sociales, les causes pour ces troubles sont profondes. Mais à l’origine, ce sont des privilèges accordés aux députés qui ont déclenché la colère. Comment accepter qu’un député ait droit à cinquante millions de roupies soit 2 600 euros par mois pour se loger, alors que le salaire minimum à Jakarta est dix fois moindre ? C’est contre cette indemnité jugée excessive que des milliers d’étudiants ont manifesté devant le parlement à Jakarta le 25 août. Mais trois jours plus tard, le mouvement pacifique bascule dans la violence, lorsqu’un véhicule blindé de la police fauche un chauffeur de moto-taxi, lui roule dessus et le tue.
« Tout acte violent déclenche la colère violente »
La vidéo de cette mort brutale enflamme les réseaux sociaux et choque l’opinion publique. Le pays s’embrase. Jets de cocktails Molotov, des résidences d’élus, un parlement local et des commissariats incendiés, c’est le chaos qui s’installe dans plus de cinquante villes. Affan Kurniawan, le jeune conducteur tué, devient le symbole de cette contestation, et le vert fluo de son blouson, celui des trois millions de livreurs, est depuis la couleur du mouvement. « Il a été tué sous les yeux de la foule et des caméras, tout acte violent déclenche la colère violente », commente le chercheur français d’origine indonésienne Anda Djoehana Wiradikarta. Il comprend la colère des manifestants : « C’est révélateur de la manière dont on traite les petits gens, c’est la manière dont ça se passe pour les plus démunis, avec les coupes dans l’éducation et la santé, rien ne s’arrange pour les plus démunis ». Aanda Djoehana Wiradikarta prédit que la situation ne se calmera pas, tant que le président Prabowo Subianto n’a pas satisfait les revendications des manifestants, à moins qu’il n’instaure un climat de peur.
Même si dans un geste d’apaisement, Prabowo Subianto a annulé l’indemnité pour les députés, c’est par la peur qu’il tente de reprendre le contrôle. Il a qualifié les manifestants de « traîtres » et de « terroristes », en donnant l’ordre à la police d’agir avec fermeté. Résultat : au moins dix personnes sont tuées, vingt sont toujours portées disparues, et au moins 3 000 manifestants ont été arrêtés.
« La goutte qui a fait déborder le vase »
« La mort du chauffeur de moto-taxi, un métier proche des Indonésiens ordinaires, est juste la goutte qui a fait déborder le vase. Les gens sont déçus et furieux depuis longtemps, estime Wyria Adiwena, directeur adjoint de l’ONG Amnesty International basé à Jakarta, l’inégalité augmente, des emplois décents sont rares, les impôts sont en hausse. Et la population n’est pas dupe, elle voit comment la police est utilisée pour réprimer la contestation. Au lieu de chercher le dialogue, le gouvernement répond par le gaz lacrymogène et des canons à eau ».
Malgré les heurts, après avoir annulé son voyage dans un premier temps, le président a tenu à aller à Pékin pour assister à la parade militaire mercredi, 3 septembre. Une façon de montrer à son grand investisseur, la Chine, que le calme est revenu et qu’il contrôle la situation. Mais le président Prabowo marche sur une corde raide. L’ex-général est déjà très critiqué pour avoir autorisé les militaires à occuper des postes civils, alors que le chômage est en hausse. Là, le président s’enfonce dans sa pire crise depuis son arrivée au pouvoir en octobre 2024.
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