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Présidentielle taïwanaise: le Parti communiste chinois prône l’alternance à Taïwan

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Dans trois jours, plus de 19 millions de Taïwanais se rendront aux urnes. Une élection présidentielle suivie de près à Pékin qui aimerait que le parti d’opposition Kuomintang (KMT) l’emporte sur le Parti démocrate progressiste (DPP) au pouvoir, qu’il a qualifié de séparatiste. En Chine, certains médias d’État n’hésitent pas à faire ouvertement campagne pour « l’alternance » à Taïwan.

Le candidat du Parti démocrate progressiste, Lai Ching-te, le 8 janvier à Kaohsiung.
Le candidat du Parti démocrate progressiste, Lai Ching-te, le 8 janvier à Kaohsiung. AFP - ALASTAIR PIKE
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De notre correspondant en Chine,

Une musique d’accordéon en fond sonore, des interviews dans la rue à Taïwan qu’il serait difficile de réaliser en Chine continentale, le China Taiwan Network (un média d’État chinois) a demandé aux Taïwanais ce qu’ils pensaient de la rotation des candidats aux élections. Dans une démocratie, les réponses sont plutôt favorables. Et c’est donc ici une manière pour la propagande chinoise de dire qu’il serait bon que les têtes changent à Taïwan.

Vive l’alternance

La vidéo est vite devenue virale. Deux choses surprennent ici. D’abord, qu’on puisse dire « vive l’alternance », alors que le Parti communiste chinois rejette par définition tout pouvoir autonome à Taïwan. Pékin ne reconnaît pas les dirigeants taïwanais élus. Et puis, deuxième surprise, cette campagne est faite au nom d’un meilleur fonctionnement de la démocratie qui devrait reposer sur une rotation des élus, alors que la République populaire de Chine vit sous un régime de parti unique depuis 1949. Certains internautes ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et font remarquer avec humour, dans des commentaires vite censurés, qu’eux aussi souhaiteraient davantage d’alternance pour la Chine continentale.

Guerre ou paix

L’objectif est d’influencer une minorité critique à Taïwan. Elle a commencé en novembre dernier. Selon la loi taïwanaise, les sondages sont interdits dix jours avant le scrutin, mais on sait que la présidentielle est serrée cette année. Les autorités à Taipei ont mis en garde contre « la désinformation électorale ». De leur côté, les médias d’État chinois évitent de citer directement les candidats ou les partis. On parle de besoin d’alternance encore une fois, et Pékin encourage à faire le choix de « la paix plutôt que la guerre », autrement dit à voter KMT. Le chef du bureau chinois des affaires taïwanaises, Song Tao, a d’ailleurs encore exhorté récemment le peuple taïwanais à « se tenir du bon côté de l’histoire ». Sachant que pour Pékin, le bon côté de l’histoire, c’est la réunification.

Ce genre de campagne n’était pas possible en Chine continentale ?

On a essayé de poser ces mêmes questions dans la rue à Pékin. Les passants ont fui notre micro dès qu’on a évoqué ces élections taïwanaises. Certains nous ont dit ne pas être intéressés par le sujet, d’autres nous ont montré les caméras de surveillance, d’autres de supposés policiers en civil. Question sensible... Un cordonnier a toutefois bien voulu nous répondre. C’est court, mais il a bien retenu le message adressé aux Taïwanais. « À Taïwan, il serait préférable que le KMT dirige l’île. Ce serait plus paisible et la communication avec la Chine continentale serait meilleure. Quant à l’alternance ici, nous n’en avons pas besoin, car notre système politique se porte bien, n’est-ce pas ? »

Carotte et bâton

En dehors de ces campagnes de la propagande, Pékin dispose d’autres moyens pour tenter d’influencer les électeurs. Il y a notamment la cyberguerre, à chaque élection les autorités taïwanaises parlent d’un niveau d’interférence « sans précédent ». Il y a les pressions militaires. Les incursions dans la zone de défense et d’identification aérienne de Taïwan par les avions chinois ont diminué ces derniers mois, selon le Guardian qui s’appuie sur les chiffres du ministère taïwanais de la Défense.

Il y a aussi l’influence directe via le contact humain. En vertu des lois anti-infiltration, près de 200 dirigeants locaux à Taïwan font l’objet d’enquête. Les voyages qu’ils ont effectués en Chine pourraient être des opérations d’influence visant à accroître les voix pro-Pékin, disent les autorités. Puis, il y a la politique de la carotte et du bâton. Je vous parlais de la « paix ou la guerre », les autorités chinoises font comprendre aussi que la « prospérité ou le déclin » dépendront du vote de samedi. Comme le souligne al-Jazira, les médias d’État ressassent qu’une victoire du DPP au pouvoir pousserait Taïwan dans l’abîme du désastre. On ouvre les robinets de certaines importations et on les referme quand les résultats des élections ne conviennent pas. Les touristes chinois, par exemple, ne sont toujours pas autorisés à revenir à Taïwan.

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