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Thaïlande: l'opposition délaisse le projet de révision de l'infraction de lèse-majesté

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Après la volte-face de l'opposition, le « Move Forward », principale formation progressiste qui a dominé les dernières législatives, abandonne sa mesure-phare. On ne parle plus de réviser l'infraction de lèse-majesté et c'est un tournant dans le paysage politique thaïlandais. 

Pita Limjaroenrat, la figure de proue du parti thaïlandais Move Forward, en conférence de presse, ce 31 janvier 2024.
Pita Limjaroenrat, la figure de proue du parti thaïlandais Move Forward, en conférence de presse, ce 31 janvier 2024. AP - Sakchai Lalit
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C'est un point de friction depuis des années en Thaïlande. Le poids de la monarchie, dénoncé par une partie de la jeunesse qui s'est mobilisée en masse aux dernières élections, et qui a voté « Move Forward », pour, comme son nom l'indique, en anglais, « Aller de l'avant », sortir des pesanteurs du conservatisme thaïlandais. Il y a eu un élan, ce résultat historique aux législatives, ces 151 sièges. Pita, le visage de ce mouvement, l'intello diplômé d'Harvard et du MIT aux États-Unis y a cru : il y avait de la place pour devenir Premier ministre. Mais, raté. Bloqué par le Sénat conservateur, il n'a pas pu transformer l'essai.

Et il a hérité de plusieurs procédures judiciaires…  

C'est un classique en Thaïlande. Les affaires surgissent toujours au bon moment pour couper les ailes des opposants. En l'occurrence, la justice reprochait à Pita d'avoir violé la loi électorale. Mais, surprise, le mois dernier, il a été blanchi par la Cour constitutionnelle. En revanche, son parti, Le « Move Forward » est toujours dans le viseur des juges, en raison de cette loi sur le crime de lèse-majesté.

En Thaïlande, on ne peut pas critiquer la monarchie ?

C'est aussi simple que ça.... Et c'est très dangereux.  Critiquer le roi, la reine, ou n'importe quel membre de la famille royale, c'est la prison. Il y a eu des centaines de condamnations ces dernières années, dont la plus récente, il y a peine trois semaines : cinquante ans de détention infligés à un militant du Nord de la Thaïlande pour des messages postés sur internet. D'expérience, je peux vous dire que même si vous vous trouvez dans une voiture, portes fermées, radio allumée, avec des responsables politiques expérimentés, personne ne veut parler du rôle de la monarchie. C'est le royaume de la peur. C'est devenu une arme politique. Et c'est l'ONU qui le dit, précisément le Haut-Commissariat aux droits de l'homme. Dans un avis rendu il y a trois ans : « l'application de plus en plus sévère de cette loi paralyse la liberté d'expression et restreint l'exercice des droits fondamentaux en Thaïlande ».

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Or, c'est justement cette loi que le Move Forward voulait réviser

Mais c'était s'attaquer à plus gros que soi. Et la Cour constitutionnelle qui a blanchi Pita à titre personnel, n'a pas laissé passer cette promesse électorale. Le Move Forward en tant que personne morale est mis en cause, au motif qu'appeler à réviser le crime de lèse-majesté, c'est déjà violer la Constitution. Et dans sa décision du 31 janvier, elle a ordonné que le parti cesse toute communication à ce sujet. C'est fait. Plus une trace sur son site internet. Plus de discours sur ce thème. À la place, les dirigeants du parti promettent de se concentrer sur le rôle de l'armée. En réalité, ils sont convaincus que leurs déboires judiciaires ne vont pas s'arrêter là et qu'une dissolution du Move Forward est toute proche.

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