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Chine: la croissance économique plus solide que prévu au premier trimestre 2024

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En Chine, le Bureau national des statistiques a publié un déluge de chiffres très attendus et particulièrement scrutés par le monde entier. Parmi ceux-ci, celui de la croissance chinoise a progressé de 5,3% au premier trimestre. C’est mieux que prévu, mais peut-on parler pour autant d’embellie pour la deuxième économie du monde ? 

Des visiteurs regardent les boutiques vendant des souvenirs le long d'une rue commerçante touristique à Pékin, le 28 février 2023.
Des visiteurs regardent les boutiques vendant des souvenirs le long d'une rue commerçante touristique à Pékin, le 28 février 2023. AP - Mark Schiefelbein
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De notre correspondant Stéphane Lagarde et de Chi Xiangyuan, du bureau RFI de Pékin

Il y a un « ouf » de soulagement dans ce chiffre de 5,3% qui barrent les Unes. Certains analystes tablaient encore hier sur un « tassement de l’économie chinoise », selon une dépêche de l'AFP. C’est donc une reprise plus forte qu’annoncé, avec des résultats qui étaient particulièrement scrutés, guettés par les agences, les banques et les analystes qui, tous, ont donné leurs prévisions hier. Parce qu’après un léger rebond à la suite de la réouverture des frontières post-Covid, il y a un peu plus d’un an, la croissance chinoise a stagné, plombée par la crise immobilière et une consommation atone. « Le développement de haute qualité de la Chine a permis de réaliser de nouveaux progrès au premier trimestre. L'économie nationale a maintenu sa dynamique de reprise et a pris un bon départ », a ainsi déclaré Sheng Laiyun, le directeur adjoint du Bureau national des statistiques qui avait le sourire ce matin lors de la conférence de presse.

Une embellie durable pour autant ?

Parmi les points positifs mesurés lors des premiers mois de cette année, on note une augmentation de la demande de production, la stabilité relative de l’emploi – relative, car une partie des statistiques ont été supprimées des tableaux officiels, notamment le chômage des jeunes diplômés. Il faut donc être prudent avec les chiffres – le BNS évoque une légère décrue : 5,2% pour le taux de chômage urbain en mars, contre 5,3% en janvier et février. Et puis il y a un léger retour de la confiance. L’investissement privé a augmenté de 0,5%. Ce qui pêche, en revanche, ce sont les prix de l’immobilier qui continuent à chuter. Mais pour les experts ici, cela pourrait aider à relancer le marché.

« L’idée, c'est d’essayer de transformer cette baisse des prix en avantage », selon Yan Yuejin, le directeur de recherche de l’institut de recherches Yiju, spécialisé sur l’immobilier à Shanghai. « Car cela signifie que le coût initial d’achat des biens diminue. Chacune des provinces et des régions en Chine devra accélérer la promotion des politiques d’accession à la propriété, en se basant sur cette baisse des prix. On constate aussi, depuis l’année dernière, une progression des achats sur le marché de l’ancien. Il s’agit de canaliser l’argent des ventes vers le neuf, avec des programmes "ancien contre neuf", par exemple. Enfin, il y a encore des régions qui pratiquent des politiques d’accès au logement restrictives. Il faut que ces restrictions soient levées, sachant que le marché immobilier est aujourd’hui tiré par une demande réelle. L’assouplissement de ces politiques ne devrait donc pas conduire à une hausse de la spéculation. »

À écouter aussiLa Chine table sur une croissance à 5% en 2024: assez pour sortir de la crise?

D'autres indicateurs d'un réel rebond

Il y a la production industrielle qui a augmenté de 4,5% sur un an, mais pour le reste, on est quand même dans l’attente. Ce rebond est lié aussi au fait que le début de 2023 était particulièrement mauvais, explique Alicia Garcia Herrero. Cette économiste en chef pour l'Asie-Pacifique chez Natixis à Hong Kong, ne s’était pas trompée hier dans ses prévisions, annonçant + 5% au premier trimestre et une croissance de 4,8% sur l’année, ce qui n’est pas très loin de l’objectif de 5% affiché par le gouvernement chinois. « On avait anticipé cette reprise à un peu plus de 5%, car la consommation a repris en janvier et février dernier. » Selon cette experte de l'économie chinoise, « il y a ce qu’on appelle un "effet de base", si on compare les chiffres de cette année à ceux de l’année dernière qui ont été horribles, alors ce n’était pas difficile d’avoir une croissance plus positive cette année. Même les résultats des exportations étaient mauvais l’année dernière. Pour les deux premiers mois de l’année, on a eu 7,7% de hausse des exportations. Il y a eu, c'est vrai, la mauvaise surprise en mars où les exportations ont de nouveau chuté. En revanche, ce qu’on sait aussi, c'est que les pressions déflationnistes n’ont pas disparu. Côté des prix à la production, on est pire que le Japon dans les années 1980. Pareil pour les chiffres des prix à la consommation. Donc, nous avons une reprise et nous prévoyons une croissance de 4,8% cette année, pas loin des objectifs du gouvernement chinois. Mais encore une fois, les problèmes de fond ne sont pas résolus : faiblesse de la consommation, déflation, surcapacité et contraction des marchés à l’étranger qui continuent de se refermer à l’image de l’Europe avec l’ouverture de nouvelles plaintes devant l’OMC visant la Chine ».  

Surcapacité, consommation en berne et fermeture des marchés à l’étranger font que les choses restent compliquées pour la deuxième économie du monde…

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Notre correspondant en Chine s'est entretenu à ce sujet avec Yan Yuejin, directeur de recherches à l’Institut Yiju, groupe de réflexion spécialisé dans l’immobilier à Shanghai.

RFI: Pourquoi considérez-vous la baisse des prix des logements neufs en mars comme positive ?  

Yan Yuejin : Tout d’abord, parce que si l’on regarde l’évolution des prix ces dernières semaines, en particulier les données de variations mensuelles, on mesure que nous sommes dans un processus global de baisse des prix, mais que l’ampleur de la baisse diminue. En d’autres termes, certains signaux positifs sont apparus, comme le fait qu’il n’y a pas de baisse de prix induite par la panique observée précédemment ; la baisse actuelle est principalement due à l'augmentation des remises visant à stimuler les ventes et à réduire les stocks. Par conséquent, cette réduction des prix est rationnelle et contribue à réaliser un processus de volume des échanges grâce à la réduction des prix. En fait, si l'on examine les données sur les transactions de marché pour le mois de mars, les performances commencent également à s'améliorer. Donc, dans l’ensemble, nous pensons que derrière ces données se cachent des aspects positifs. Nous sommes actuellement dans une phase où la baisse se réduit progressivement, et il pourrait même y avoir une légère hausse des prix dans un avenir proche. 

Dans ce contexte, quelle serait les politiques à mettre en œuvre pour relancer le marché ?  

En ce qui concerne les différentes régions et provinces chinoises, je pense que nous devons transformer la baisse des prix en avantage. Car derrière la chute des prix de l'immobilier, il y a aussi la diminution du coût de l'achat d'un bien. Chaque région devrait également promouvoir les politiques favorables aux acheteurs et combiner ces politiques avec la baisse des prix. On a mesuré l’année dernière une augmentation des transactions sur le marché de l'immobilier ancien, grâce notamment aux programmes « ancien contre neuf » mis en place dans différentes régions. Chaque région peut ainsi essayer de canaliser une partie des fonds issus de la vente d’anciens appartements vers l’achat de nouveaux biens. Troisièmement, certaines régions appliquent encore des politiques de logement restrictives. Dans la mesure où le marché immobilier actuel est principalement tiré par une demande réelle, l'assouplissement de ces politiques ne devrait pas conduire à une hausse de la spéculation. Donc, nous prônons une levée ou un ajustement de ces politiques restrictives au deuxième trimestre.  

Il a beaucoup été question d’une levée des restrictions d’achat dans les villes de premier rang, où en est-on ?  

Cette politique dite de détente concerne certains projets de résidences de luxe ou la rénovation de maisons anciennes. Pour ma part, je pense que, du point de vue de la détente, il est quand même conseillé d'assouplir certains projets qui répondent à des besoins essentiels. Par exemple, l’achat d’appartement déjà construit de moins de 90 mètres carrés dans les zones urbaines devrait être assoupli, ce serait une manière de relancer les transactions sur ce genre de bien. Ce que je veux dire, c’est qu’on ne peut pas se contenter de relâcher les restrictions d’achats sur les propriétés de luxes.  

Selon les données publiées par le bureau national des statistiques, malgré la baisse générale, les prix des logements augmentent dans une dizaine de mégalopoles chinoises, dont Shanghai. Comment l’expliquer ?  

En fait, les villes comme Shanghai, Chengdu et Xi'an se classent dans le haut du tableau de cette remontée des prix, sans qu’il n’y ait de raisons particulières en dehors des fondamentaux, à savoir que ces villes qui inspirent confiance aux investisseurs. Ce qui est positif, c'est qu’on voit les prix remonter dans d’autres villes comme Hefei, la capitale de la province de l'Anhui. Cela tient à différents facteurs, dont par l’exemple l’offre d’emploi pour les jeunes.  

Le vice premier ministre He Lifeng a effectué récemment une visite à Zhengzhou. Comme vous le savez, la capitale de la province du Henan est l’une des villes les plus marquées par les chantiers inachevés. Il y a encore du chemin à faire pour sortir de la crise...  

Oui, et cette visite accompagne l’effort de communication et d’avancement des mécanismes de coordination du financement. C’est aussi une manière de pousser les autorités locales à prendre de nouvelles mesures au deuxième trimestre, notamment des villes comme Zhengzhou, ou Chongqing, marquées par les faillites immobilières et les projets inachevés. Il sera important de voir si les prix des logements se stabilisent dans ces villes, afin de relancer le marché.

Entretien mené par Stéphane Lagarde, correspondant de RFI à Pékin.

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