Réchauffement climatique: au Japon, les errements du Kuroshio, courant chaud du Pacifique, bouleversent la biodiversité
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Tokyo, où la barre des 30 degrés a déjà été franchie, connaît une vague de chaleur intense et inédite : c'est du jamais vu au mois d'avril dans la capitale nipponne. Le courant marin Kuroshio est à l'origine de ces changements qui ont une incidence sur la faune marine.

Avec notre correspondant au Japon Bruno Duval
Le responsable de ce réchauffement, c'est le Kuroshio, le deuxième plus grand courant marin au monde après le Gulf Stream.
Ce courant chaud évolue dans le Pacifique et remonte les côtes japonaises du Sud vers le Nord. Le problème, c'est que son cheminement est de plus en plus fantasque.
Par exemple, à la hauteur de Tokyo, il ne s'éloigne plus vers le large comme jadis, mais continue à longer la côte jusqu'au Nord du pays. Et puis, il lui arrive de stagner à certains endroits, de rebrousser chemin, de tourner en rond, etc.
Et tout cela entraîne des conséquences similaires à celles d'« El Niño », le phénomène climatique qui affecte le Pacifique Sud.
Concrètement, en 2023, la température des mers entourant le Japon a augmenté de plus d'un degré, pour la troisième année consécutive.
Les pêcheurs japonais en font les frais tous les jours…
Des variétés de poissons qui étaient présentes de tout temps à proximité des côtes nippones ont disparu. Car elles ont migré vers le grand large : dans des eaux plus fraîches.
À l'inverse, dans la baie de Tokyo, on pêche, y compris des poissons tropicaux, venus d'Okinawa, dans l'extrême Sud du pays.
La biodiversité marine est complètement bouleversée par ce réchauffement qui malmène aussi l'écosystème. Certains types d'algues se raréfient en raison d'eaux devenues trop tièdes pour elles. Dans plusieurs régions, 70 % des huîtres perlières sont mortes, parce que le plancton dont elles se nourrissent préfère les eaux fraîches.
Des lits entiers de varech sont colonisés par les méduses ou les anémones de mer, qui prolifèrent dorénavant.
Des conséquences environnementales, mais aussi commerciales, économiques et même alimentaires
La ressource maritime se raréfie. Pour preuve, le Japon ne pêche plus que 3 millions de tonnes de produits marins par an, contre 12 millions dans les années 80.
Son taux d'autosuffisance alimentaire s’écroule. Pour nourrir sa population, il doit importer de plus en plus de poissons. Dont les prix flambent en plus, en vertu de la loi de l'offre et de la demande.
C'est problématique, car l'archipel est le pays du monde qui consomme le plus de produits de la mer par habitant : plus de sept milliards de tonnes par an. Cela s’explique : 70 % de son territoire étant constitué de forêts et de montagnes, l'espace manque pour les grands élevages : de bovins, par exemple. Dès lors, c'est le poisson qui assure en grande partie l'apport indispensable de protéines.
Et puis, les Japonais ont toujours mangé énormément d'algues et de varech et ils ont raison : c'est excellent pour la santé.
Mais le bouleversement de ce régime alimentaire par le réchauffement marin fait craindre l'apparition de carences nutritionnelles : en calcium, en minéraux ou en vitamines par exemple. Et a fortiori s'agissant des ménages les plus défavorisés.
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