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Fukushima: l'acquittement des ex-responsables de la centrale nucléaire indigne la population japonaise

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Mardi 11 mars, le Japon rendra hommage aux quelque 18 500 morts et disparus de la catastrophe de Fukushima, le 11 mars 2011. Mais l'acquittement définitif des ex-responsables de la centrale nucléaire suscite une tempête dans l'archipel. Par ailleurs, le démantèlement de la centrale, qui devait durer trente à quarante ans, pourrait bien finalement prendre un siècle ou deux...

La centrale nucléaire de Fukushima, vue depuis le port de pêche d'Ukedo dans la ville de Namie, dans le nord-est du Japon, le 2 mars 2022.
La centrale nucléaire de Fukushima, vue depuis le port de pêche d'Ukedo dans la ville de Namie, dans le nord-est du Japon, le 2 mars 2022. © Hiro Komae / AP
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De notre correspondant à Tokyo,

La Cour suprême vient d'acquitter définitivement les anciens dirigeants de l'opérateur de la centrale nucléaire de Fukushima, le groupe Tepco, qui, depuis dix ans, étaient poursuivis au pénal pour « défaut de prévoyance ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Aux yeux des plus hauts magistrats du pays, on ne peut leur reprocher d'avoir manqué de précaution à l'époque car un séisme et un tsunami d'une telle ampleur étaient imprévisibles. Depuis 2008, des experts mettaient en garde contre la possibilité d'une vague de 16 mètres de haut mais, pour la Cour, il ne s'agissait que de modèles prédictifs à long terme, donc hypothétiques.

Cet arrêt historique sidère les réseaux sociaux, agite les talk-shows télévisés et déconcerte les éditorialistes, de nombreux quotidiens contestant son bien-fondé.

Dans les rues de Tokyo, c'est l'indignation. « Tant de morts, de souffrances, de dégâts... et aucune peine de prison ?! Pas le moindre yen d'amende ?! Mais enfin... Les bras m'en tombent », s'insurge une passante. « Quelle indignité. Quelle inhumanité... les mots me manquent », déclare un retraité au bord des larmes. « Ce qu'on attendait de cette Cour, c'est qu'elle dise ce qui est l'évidence même : des centrales nucléaires dans un pays où se produisent tant de catastrophes majeures, c'est insensé, irresponsable et impardonnable », fustige une opposante à l'énergie atomique. « Après un tel déni de justice, on sera encore plus nombreux à manifester contre le redémarrage de réacteurs, la prolongation de leur durée d'exploitation et la construction de nouvelles centrales », prophétise son mari.

Les autorités doublement embarrassées

Le gouvernement, de son côté, se tait dans toutes les langues : très gêné. En effet, cet arrêt galvanise les opposants à la relance du nucléaire, les autorités ayant récemment décidé de construire de nouvelles centrales alors que, depuis la catastrophe de Fukushima, la priorité était de réduire au maximum la dépendance du Japon à cette énergie.

En outre, en raison du tollé suscité par la décision de la Cour, les autorités, mardi, seront encore un peu plus sur la sellette en un jour anniversaire où, chaque année, elles sont dans leurs petits souliers. Car énormément reste à faire à Fukushima en termes de reconstruction : des dizaines de milliers d'évacués n'ont toujours pas pu rentrer chez eux car des zones entières restent encore inhabitables en raison des radiations.

En outre, le démantèlement de la centrale sinistrée progresse très lentement. Ainsi, plus de 800 tonnes de débris et de combustible atomique hautement radioactifs s'entassent dans ses réacteurs. Or, quatorze ans après la catastrophe, on n'a réussi à extraire que moins d'un gramme de ce magma, soit l'équivalent d'un raisin sec. Ce qui fait dire à certains experts que le démantèlement de la centrale, qui devait durer trente à quarante ans, pourrait bien prendre un siècle ou deux si on n'accélère pas le tempo.

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