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Le Dialogue de Shangri-La: la rivalité sino-américaine à l'heure de Trump

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Principal forum de sécurité en Asie-Pacifique, le Dialogue de Shangri-La s'ouvre aujourd'hui à Singapour. Il est le théâtre de la rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine. Tout le gotha militaire de la région indo-pacifique s'y réunit et une quarantaine d’États sont représentés, dont la France, seule nation européenne disposant de territoires ultramarins et de forces permanentes en Asie. Le président français, Emmanuel Macron, doit y prononcer le discours d'ouverture.

La police monte la garde à l'extérieur du lieu du sommet sur la sécurité du dialogue IISS Shangri-La à Singapour, le 30 mai 2025.
La police monte la garde à l'extérieur du lieu du sommet sur la sécurité du dialogue IISS Shangri-La à Singapour, le 30 mai 2025. REUTERS - Edgar Su
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C'est peu dire que le contexte international n'est pas propice au Dialogue sino-américain. La guerre commerciale lancée par Donald Trump déstabilise toute la région et l'agressivité croissante de la part de la puissance chinoise vis-à-vis de Taïwan ou en mer de Chine, où Pékin viole régulièrement le droit international de la mer, crispe les voisins du Sud-Est asiatique. Sans compter le soutien chinois au régime nucléaire nord-coréen ou à la junte birmane.

Pris en étau dans la lutte d'influence des deux grands, les pays de l'Indo-Pacifique sont d’autant plus fébriles qu’ils doutent de la fiabilité du partenaire historique, les États-Unis, et des méthodes de la nouvelle administration Trump. Une expression qui revient souvent dans la région, c'est : « Le lapin pris dans les phares », relève Eric Frécon, chercheur à l’IRASEC, un institut basé à Bangkok.

« Avec l’administration Trump, ceux qui attendaient beaucoup des États-Unis sont déboussolés, ne sachant plus vers qui se tourner. Tandis que d'autres pays sont sur leur garde depuis AUKUS (cet accord militaire tripartite signé en 2021 entre l’Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis concernant le pourtour du Pacifique, NDLR). Si de façade, les gouvernements du Sud-Est asiatique l'ont accueilli de façon aimable et polie, sous le manteau, beaucoup disaient qu'il s'agissait d'une alliance de plus, qui accentuait la bipolarisation, et qu'ils n'étaient pas à l’aise avec cela ».

Entre malaise et incertitudes, la prise de parole du secrétaire de la Défense américain, Pete Hegseth - souvent qualifié de « faucon anti-chinois » - va être écoutée très attentivement. D'autant plus que les États-Unis, qui ont fait de l'Indo-Pacifique la priorité de leur agenda stratégique, n'ont toujours pas présenté leur vision globale pour la région.

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Signe des tensions, le ministre de la Défense chinois, Dong Yun, ne participera pas au Dialogue de Shangri-La, un forum que Pékin perçoit, de toute façon, comme pro-occidental. Une première depuis 2019.

Seule une délégation d'universitaires chinois de l'université de la Défense sera présente. Un mauvais signal difficile à décrypter mais qui étonne Eric Frécon : « Il y a plutôt un temps fort pour la Chine. Xi Jinping a visité plusieurs pays de la région dans le contexte de la guerre commerciale pour dire que "si Trump vous lâche, avec la hausse des tarifs douaniers américains en coupant les fonds USAID pour le développement, et bien "nous, on est encore là"». 

Macron, premier chef d’État européen à être invité

Le président français clôture sa tournée au Vietnam et en Indonésie par Singapour, où il prononcera le discours d’ouverture du Dialogue de Shanghri-La. C’est un signal politique remarquable du fait que les pays de l’Indo-Pacifique ne cherchent pas seulement à diversifier leurs relations avec les puissances militaro-industrielles régionales (l’Inde, le Japon ou la Corée du Sud) mais qu’ils regardent aussi vers l’Europe.

Une Europe incarnée par Emmanuel Macron, à la tête d'une puissance nucléaire qui prône « l'autonomie stratégique européenne » et est présent militairement dans l'Indo-Pacifique. « Si vous vous placez du point de vue vietnamien, philippin, indonésien, singapourien ou thaïlandais, tous parlent beaucoup d'Europe et ont besoin d'Europe », explique Emmanuel Veron, chercheur associé à l’INALCO et à l’École navale. « Tous se disent  "il faut absolument diversifier nos partenariats" notamment avec la France, les Britanniques, les Allemands... Parce que aujourd’hui, au regard des expériences tirées des premiers mois de l'administrationTrump, et de la rivalité sino-américaine, l'Europe est perçue comme un pôle de stabilité au regard du droit international, du respect des règles et du commerce international. C'est un repère dans la tempête auquel aspirent les pays d’Asie du Sud-Est », explique l'expert.

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Emmanuel Macron prône, en Asie, une « troisième voie » entre Pékin et Washington et se positionne en « puissance d'équilibre ». Le terme est controversé mais la posture française raisonne dans plusieurs pays de l'Indo-Pacifique, où le multilatéralisme est toujours vu comme la meilleure manière de contrecarrer la loi du plus fort.

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