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Transformer le port de Pasni en «hub» logistique pour les États-Unis: un geste risqué pour le Pakistan?

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À la Une en Asie vous emmène aujourd’hui au Pakistan, plus précisément à Pasni, une ville portuaire située dans la province instable du Baloutchistan. Islamabad envisage d’y construire un nouveau port en eau profonde qui offrirait aux États-Unis un accès logistique aux minéraux critiques. Problème, Pasni se trouve tout près de Gwadar, un port financé et exploité par la Chine, et de Chabahar, un autre port stratégique en Iran exploité par l’Inde.

Le Premier ministre pakistanais Muhammad Shehbaz Sharif, à gauche, et le général Syed Asim Munir attendent leur rencontre avec le président Donald Trump, dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, le jeudi 25 septembre 2025, à Washington.
Le Premier ministre pakistanais Muhammad Shehbaz Sharif, à gauche, et le général Syed Asim Munir attendent leur rencontre avec le président Donald Trump, dans le Bureau ovale de la Maison Blanche, le jeudi 25 septembre 2025, à Washington. © AP - Alex Brandon
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Un projet audacieux

L'objectif principal d'Islamabad est de diversifier ses alliances face à une crise économique et une dépendance excessive vis-à-vis de la Chine, qui est son principal créancier. Le Pakistan cherche aussi à capitaliser sur le rapprochement opéré au printemps dernier avec Washington, qui avait réussi à désamorcer l’escalade militaire avec l’Inde autour du Cachemire. Une « bromance » s’était alors nouée entre Donald Trump et le chef de l’armée pakistanaise Asim Munir.

Le contexte est important, car après deux décennies de rapprochement indo-américain, les relations se sont nettement tendues l’été dernier entre New Delhi et Washington avec l’imposition par l'administration Trump de tarifs douaniers massifs qui ont porté un coup sévère à l’économie indienne.

Le projet pakistanais s’inscrit en partie dans cette dynamique. En développant ce port de pêche conjointement avec les Américains, pour un coût estimé à 1 milliard de dollars, Islamabad offre donc aux États-Unis un terminal stratégique d’exportation de minéraux critiques comme le cuivre, l’antimoine et d’autres terres rares, tout en attirant les investissements.

Ce projet permettrait aux États-Unis de diversifier ses approvisionnements après l'interdiction de l'exportation des terres rares chinoises. Le hub serait relié par voies ferrées aux mines du Baloutchistan, dont les sols regorgent de minéraux, des réserves sous exploitées estimées à 6 000 milliards d'euros et qui pourrait aider le pays à alléger sa dette écrasante, notamment envers la Chine.

Un pivot générateur de tensions avec Pékin ?

Les avis sont partagés. Certains experts pointent la proximité géographique de Pasni avec Gwadar, un port stratégique financé par la Chine situé à un peu plus de 100 km à l’ouest de Pasni. Le projet pourrait être considéré par Pékin comme un acte de défiance vis-à-vis du corridor sino-pakistanais, un des piliers des « routes de la soie » et fragiliser les relations à long terme. La Chine a investi massivement dans Gwadar et pourrait considérer le projet pakistano-américain comme une concurrence directe qui menace son retour sur investissement, et la présence américaine comme une menace pour ses activités dans l'océan Indien.

D’autres observateurs remarquent que le port sera un hub commercial et non une base militaire. Ces analystes restent cependant prudents quant à la viabilité du projet à court terme, notamment en raison des incertitudes sur l'implication des Américains sous Trump et des défis sécuritaires au Baloutchistan, en proie à l’insurrection.

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