Le calvaire des travailleuses agricoles tunisiennes surexploitées
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La Tunisie célébrait ce 13 août le 64e anniversaire des droits des femmes, consacrés dans le code du statut personnel promulgué en 1957. Mais sur la question des droits économiques, certaines femmes sont lésées notamment les femmes ouvrières agricoles qui représentent près de 80% de la main d’œuvre du secteur et qui ont très peu de droits sociaux et économiques. Notre correspondante est allée à la rencontre de certaines d’entre elles dans des champs proches de la capitale. Leurs conditions de travail ne s’améliorent pas.

Dans un champ de la Manouba, une banlieue du nord-ouest de Tunis, Hadda, la soixantaine, a le dos courbé sous un soleil de plomb. Elle fauche vigoureusement les plants de céleris, un dur labeur qu’elle exécute depuis plus de vingt ans pour environ 5 euros par jour et une journée de repos par semaine. « Je travaille de 6h du matin à 14h. Je n’ai pas l’impression que je peux prétendre à des droits. Pour moi, c’est si tu travailles, tu es payée, si tu ne travailles pas tu n’es pas payée et c’est tout. »
Hadda ne sait pas que le 13 août est un jour férié en Tunisie qui célèbre les droits des femmes. Elle est désabusée des politiques. « Il n’y a rien de bon avec ceux qui nous gouvernent, ils se bagarrent toute la journée, ils volent et mentent. Même quand vous allez voir les représentants locaux, ils ne s’occupent pas de vous. »
Ces ouvrières ont un salaire moins élevé que celui des hommes, peu d’accès à la sécurité sociale sans compter les camions de la mort qui les emmènent au travail. Elles y sont souvent entassées à 15 ou 20. En cinq ans, 40 femmes sont mortes et 541 femmes ont été blessées dans des accidents de transport.
Aida Fetnassi fait une pause et prépare un thé sur un feu de bois pour ses collègues qui récoltent des poireaux. « Personne ne nous as poussées à faire ce métier, et personne ne nous as mises dans ces camions de force. Mais nous faisons ce travail parce qu’il faut bien gagner son pain et nourrir sa famille. »
Mettre en vigueur la loi 51
Beaucoup de ces femmes viennent de milieux modestes comme Nejma qui porte un masque plus pour se protéger de la poussière que du coronavirus. Elle frappe avec un bâton les plantes sèches de sésame pour en faire tomber les graines. « On les trie et ensuite on les tamise ». Elle semble trop âgée pour continuer ce travail difficile : « Je ne connais pas mon âge tu sais, je n’ai malheureusement pas eu l’opportunité d’aller à l’école . »
Pour la société civile, la priorité reste de mettre en vigueur la loi 51 qui garantit un meilleur mode de transport pour ces femmes. Sonia Ben Miled est chargée de communication à l’association Aswat Nissa. Avec d’autres ONGs, elles ont lancé une campagne choc, intitulée « pour que Selma vive. »
Dans une mini-fiction, une miss météo parle des accidents de ces femmes devenus aussi banals que l’annonce du temps qu’il fait. « C’était pour rappeler que ça fait une année qu’une loi est entrée en vigueur. Après une année, aucun décret d’application n’a eu lieu. Il ne faut pas oublier que elles aussi étaient en première ligne lors de la pandémie du Covid. »
A l’occasion de la Journée de la Femme, le gouvernement a promis de signer le décret d’application de cette loi et le président de la République Kais Saied, est allé rendre visite à ces femmes et rappelé dans son discours leurs conditions précaires.
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