Reportage international

Le Kurdistan irakien, refuge pour les militants contraints à l'exil

Publié le :

Cela fait un an que les Irakiens sont descendus dans les rues pour demander un nouveau système politique. On s’en souvient : pendant des mois, des dizaines de milliers d’habitants avaient battu le pavé, jusqu’à obtenir la démission du Premier ministre, au prix de centaines de morts et de milliers de blessés. Aujourd’hui, les manifestations sont rares, mais le mouvement tente de s’organiser politiquement et prépare un nouveau départ le 1er octobre. Problème : depuis des semaines, les principaux activistes sont visés, assassinés, kidnappés. Beaucoup ont dû fuir pour le Kurdistan irakien.

Une rue de Souleymanieh, au Kurdistan irakien (image d'illustration).
Une rue de Souleymanieh, au Kurdistan irakien (image d'illustration). Shwan MOHAMMED / AFP
Publicité

Redha Ali Al-Aqili, assis sur un banc d'un parc vide, fait défiler des vidéos sur son téléphone portable. Sur plusieurs d'entre elles, on le voit dominer une marée humaine, debout sur une voiture, micro en main. Il hurle des slogans que la foule devant lui reprend en cœur.

Ces moments ont été capturés à Maysan, dans le sud de l'Irak, en octobre 2019. A l'époque où les manifestations irakiennes battaient encore leur plein. Pendant près d'un an, Redha, la vingtaine, cheveux noirs peignés en arrière, s'est impliqué corps et âme dans ce mouvement. Il était l'un des leaders, mais a dû se faire oublier, après deux tentatives d'assassinat. « La première fois, ça a été quand j'ai reçu sept balles dans ma voiture, en mars. Ça ne m’a pas empêché de manifester, jusqu’à il y a un mois et demi environ, mais en août ils nous ont ciblés, ma famille et moi, en utilisant lance-roquette, un RPG, et de nouveau des balles réelles. »

Après ces attaques, Redha se résigne à fuir loin de sa région natale. Avec sa famille, il vit aujourd'hui en exil dans la région autonome du Kurdistan irakien. « Tous les gouvernorats qui se sont soulevés en Irak, et où les activistes se sont mobilisés, sont devenus trop dangereux aujourd’hui, c'est pour ça que je suis partie au nord de l'Irak. »

Redha n'est pas un cas isolé. Beaucoup d'autres activistes ont été ciblés au cours de cette année. Ceux qui ont survécu sont souvent partis, comme lui, pour le Kurdistan irakien. D'autres ont complétement quitté le pays.

Retour à Bagdad où le docteur Ali al-Bayati, membre de la Haute Commission irakienne pour les droits de l’homme, observe depuis un an ces crimes commis à l'encontre des activistes. « Il est très clair que ces assassinats visent la partie la plus active de la contestation pour les empêcher de se regrouper ou de s’organiser politiquement, afin qu’ils ne participent pas aux prochaines élections. »

Au total en un an, plus de 75 activistes ont été assassinés selon lui. Les militants accusent les groupes paramilitaires soutenus par l'Iran d'être derrière ces attaques, mais à ce jour aucune enquête gouvernementale n'a permis d'identifier les responsables. Pour Ali Al Bayati, il y a peu de chance pour que cela arrive. « Ceux qui le font, le font librement en ce moment, et ont assez de pouvoir pour le faire. Ils ont des groupes militaires, et ils font partie des autorités. Ils ont une immunité. »

Aujourd'hui l'incertitude demeure sur l’avenir du mouvement, et à l'approche du 1er octobre, c’est tout une nation qui retient son souffle.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes