La lutte contre la surpêche, la mission impossible de l’OMC ?
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La lutte contre la surpêche est à nouveau à l’agenda de l’Organisation mondiale du commerce avec l’ouverture ce lundi à Genève d’une nouvelle session marathon de négociation. Un accord est-il possible avant la fin de l’année ?

Cela fait vingt ans que les discussions ont démarré, vingt ans que les délégations ne veulent rien céder alors que le problème s'aggrave d'année en année. Un tiers des stocks de poisson sont aujourd'hui menacés par les excès de la pêche industrielle selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, trois fois plus que dans les années 70.
Après la lutte contre le Covid, la surpêche est LA priorité de Ngozi Okonjo-Iweala. La directrice de l’OMC en poste depuis un an doit à tout prix arracher un accord pour redorer le blason d'une institution devenue quasiment impuissante mais aussi pour mettre en œuvre ce qui est devenu un objectif du développement durable fixé par les Nations unies. Les délégations vont donc négocier pied à pied jusqu'à la fin du mois, dans l'espoir d'avoir un texte entériné en novembre au niveau ministériel.
Un accord qui mettrait un terme aux subventions à la pêche
Sans le soutien de l'argent public plus de la moitié de la flotte mondiale serait non rentable et donc vouée à disparaître ou à se reconvertir dans une activité plus vertueuse. La suppression des subventions est donc bien l'arme fatale pour mettre fin au carnage des océans. C'est le meilleur moyen pour protéger les stocks, les laisser se reproduire, ce qui permettrait à terme d'augmenter les prises dans un cadre régulé. Les Etats dépensent des sommes folles pour soutenir cette industrie. Environ 30 milliards d'euros selon l'OCDE. Les deux tiers sont nuisibles à la ressource puisqu'ils servent à construire des bateaux toujours plus grands ou à rendre l’activité plus performante avec des subventions au carburant.
Quels sont les pays responsables de cette exploitation à outrance ?
Le Japon, la Corée du sud, les Européens, les Etats-Unis, et d'abord la Chine, devenu le premier producteur, le premier exportateur de poisson. De loin le pays qui subventionne le plus : 20% du montant total des aides est distribué par l'administration chinoise. Pékin a aujourd'hui la plus grande flotte au monde, et soutient intensément cette activité avec les routes de la soie. Tous ces pays pratiquent la pêche industrielle pour sillonner les mers les plus lointaines et siphonner les fonds encore poissonneux. La pêche artisanale elle aussi bénéficie des subventions nuisibles à la ressource, mais c'est d'abord une victime des excès des plus gros. Une fois encore un texte débattu à l'OMC oppose les plus riches aux pays en développement soucieux de préserver une activité parfois vitale pour leurs populations.
Encore de nombreux points de blocage
Beaucoup trop puisque chaque pays tente de réécrire le texte à son avantage. On ne sait pas encore si la fin des subventions concernera toute la flotte, y compris par exemple les cargos réfrigérés, ou seulement les navires directement impliqués dans la pêche illégale non déclarée et non régulée. L'Inde vient de compliquer la discussion avec une nouvelle proposition sur le principe du pollueur payeur. New Delhi souhaite que seuls les pays avec une flotte en haute mer soient concernés. Le groupe des pays Afrique-Caraïbe-Pacifique bataille lui pour continuer comme avant en dessous d'un seuil de capture, de l'ordre de 2,5%. Et les Etats-Unis suggèrent maintenant que le travail forcé soit pris en compte dans le texte. Avec toutes ces divergences, difficile de croire qu'un accord puisse émerger avant la fin de l'année.
► En bref
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