La menace du défaut de paiement plane sur le Kenya
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La colère gronde au Kenya où les fonctionnaires ne sont plus payés depuis deux mois. Les caisses de l’Etat sont vides. Cette crise de liquidité peut-elle déboucher sur une crise de la dette ?

C’est ce qu'affirme un hebdomadaire kenyan en titrant cette semaine sur « Le gouvernement en faillite ». La population paupérisée par le Covid, la sécheresse et la guerre en Ukraine, est sous le choc. C’est la première fois, en soixante ans d’indépendance, que les agents publics du pays sont privés de salaires. Les ministres subissent le même sort. Et les régions aussi, elles attendent depuis le mois de décembre les virements de l’Etat. Deux syndicats de fonctionnaires appellent à la grève pour exiger le versement des arriérés. Mais le président William Ruto est intransigeant : il refuse d'emprunter pour couvrir cette dépense courante, cela ne ferait qu'aggraver l'endettement de l'Etat.
Le nouveau président élu en septembre est-il responsable de cette banqueroute ?
Le principal accusé est plutôt son prédécesseur. Uhuru Kenyatta a beaucoup dépensé, et donc beaucoup emprunté pour réaliser des investissements dans les infrastructures. Notamment ce fameux chemin de fer reliant Nairobi avec Monbassa, construit avec l'argent et les moyens de la Chine. Un chantier dont les coûts ont débordé à cause de la corruption. L'économiste Michael Chege de l'université de Nairobi ajoute que l'ancien président a multiplié les cadeaux fiscaux aux amis du pouvoir, ce qui a miné la collecte des impôts. La dette de l’Etat kenyan représente aujourd'hui 62% du PIB. Le remboursement de cette dette, que l'actuel président juge « monumentale », engloutit aujourd’hui la moitié des recettes publiques.
Ce surendettement ne date pas d’hier
Il s’est accumulé depuis une douzaine d’années. Le Kenya paie encore la facture des troubles politiques de 2007-2008, quand l’élection présidentielle a dégénéré en violences, plongeant le pays dans l’une des plus graves crises de son histoire. Depuis, le Kenya a continué à émettre de la dette en se finançant à des conditions abordables. Jusqu’à ce qu’il soit éjecté des marchés internationaux, en 2022, quand la donne a subitement changé pour de nombreux pays en développement. La hausse des taux américains a durci les conditions du crédit et fait chuter la monnaie locale. 20% de la dette kenyane étant libellée en dollars, les coûts de remboursement se sont envolés. L'inflation provoquée par la guerre en Ukraine creuse un peu plus les réserves de changes. Une combinaison parfaite pour déclencher une crise de liquidités.
Et dans la foulée, la crise de la dette est inéluctable ?
Cette crise de la dette a déjà commencé selon Michael Chege. Elle infuse lentement et sûrement. Le Kenya a déjà renégocié une partie de sa dette domestique mais sur les marchés internationaux, pas question de faire défaut. Pour conserver sa réputation de payeur fiable, le gouvernement a préféré sacrifier les fonctionnaires pour honorer les prochaines grosses échéances de sa dette. Il fait en quelque sorte une restructuration sauvage sur le dos des citoyens.
Le Kenya connaitra bientôt le même sort que la Zambie, le Ghana ou le Sri Lanka ?
Contrairement à ces pays qui ont vécu des défauts de paiement douloureux, le Kenya, rappelle Michael Chege, est sous assistance du FMI depuis mai 2021. Ce qui devrait lui éviter la débâcle. Il espère un nouveau financement du FMI de un milliard 200 millions de dollars dans les prochains mois. (La Banque Mondiale doit aussi verser un milliard en soutien budgétaire en mai). Néanmoins affirme l'économiste, l'Etat devra à un moment ou un autre restructurer sa dette, c'est une condition indispensable pour relancer la croissance. Pour cela il faudra trouver un terrain d'entente avec la Chine, son principal créancier bilatéral. Un partenaire que William Ruto a vivement critiqué pendant sa campagne mais avec lequel il est maintenant condamné à s’entendre.
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