Les États-Unis veulent ajuster le tir des sanctions économiques
Publié le :
En représailles au contrôle des importations chinoises de semi-conducteurs orchestré par les États-Unis, la société américaine Micron a été exclue hier des appels d’offres passés en Chine. C’est un effet boomerang des sanctions économiques. Un effet négatif parmi d'autres que Washington cherche dorénavant à anticiper.
Les entreprises américaines commencent à payer le prix de la guerre technologique que Washington livre à la Chine. La mise au ban de Micron est un coup dur pour l’entreprise. Le leader américain des puces mémoires réalise le quart de son chiffre d’affaires dans la deuxième économie de la planète. Les dommages collatéraux des sanctions sont connus, souvent après-coup, mais pas vraiment pris en compte dans la décision politique. Surtout quand c'est le secteur privé qui trinque. C’est en train de changer. Le Trésor américain vient de recruter deux économistes chevronnés pour évaluer les effets des sanctions. Cette équipe dédiée sera étoffée dans les prochains mois. Sa mission : prévoir l’inattendu, les conséquences que personne n’a vu venir sur le pays ciblé, mais aussi sur les partenaires et alliés des États-Unis.
Le but est de perfectionner l'usage de l’arme économique ?
C'est devenu urgent. Car le recours aux sanctions économiques s’est intensifié dans la politique étrangère américaine. Aujourd’hui, 23 pays font l’objet de sanctions américaines, parfois avec le concours de pays alliés. Elles sont déployées aussi bien pour lutter contre le trafic de drogue, le terrorisme, les atteintes aux droits de l’homme, que pour servir les intérêts américains. Comme dans cette guerre économique déclarée à la Chine par Donald Trump. Mais ce n’est pas parce que cette arme est fréquemment employée qu’elle est efficace, bien au contraire. Ses résultats sont médiocres. Selon la chercheuse française Agathe Desmarais seulement 13% des sanctions prises depuis le début des années 1970 ont atteint leur objectif. Son confrère Nicholas Mulder est moins sévère, mais il constate lui aussi que leur efficacité est en déclin, il estime que 20% seulement des mesures adoptées depuis 2016 ont porté leurs fruits.
Comment expliquer un score aussi faible ?
L’arme économique est peu coûteuse en termes d’image, de dépenses militaires et elle ne provoque pas de pertes humaines, c’est pour toutes ces raisons qu’elle est volontiers brandie par la première puissance mondiale. Mais ces caractéristiques sont aussi un point faible. Elles encouragent les pays concernés à supporter sans broncher cette forme de guerre allégée. Cuba n’a jamais envisagé de renoncer à sa révolution à cause de l’embargo américain. Et quand les sanctions nuisent à la population, comme par exemple l’hyper inflation qu’a connue le Venezuela après les sanctions américaines, l’effet obtenu est inverse à celui qui était recherché : au lieu de fragiliser Nicolas Maduro, ces sanctions ont remobilisé la population en sa faveur et poussé des millions d’habitants à fuir le pays. Un coût humain et économique pour toute la région que l’administration américaine n’avait certainement pas anticipé. Enfin, les États visés sont devenus au fil du temps des orfèvres du contournement.
Grâce souvent à la complicité de leurs alliés ou partenaires commerciaux
C’est ce qu’on constate pour le pétrole russe : le brut est interdit en Europe mais en passant par les émirats du Golfe, l’Inde et la Turquie, il revient sous forme raffiné sans qu’on soit en mesure d’identifier son origine. Les sanctions financières sont aussi de plus en plus enjambées par des systèmes de paiement créés de toute pièce à cette fin. On voit aussi se développer les échanges en yuan ou dans des autres monnaies émergentes, là aussi pour se passer du dollar. La peur du gendarme américain est en train de s’estomper, Washington doit améliorer l'arsenal des sanctions pour mieux ajuster le tir.
NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail
Je m'abonne