Aujourd'hui l'économie

Pourquoi l’économie égyptienne est dans un état critique

Publié le :

Ce week-end, les Égyptiens sont appelés aux urnes pour donner un troisième mandat au général al-Sissi. Un scrutin sur fond de profonde désillusion : l’économie est dans un état critique, bien pire qu’il y a dix ans quand Abdel Fattah al-Sissi est arrivé au pouvoir.

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, lors d'une conférence de presse au Caire, en Égypte, le 25 octobre 2023.
Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, lors d'une conférence de presse au Caire, en Égypte, le 25 octobre 2023. © AP/Christophe Ena
Publicité

En ce moment, les habitants du Caire font la queue pour acheter un peu de sucre à prix d'or : 60 livres le kilo contre 12 au mois de mai. L’inflation a culminé à 38% en septembre, le plus haut niveau de tous les temps. La hausse des prix a doublé en un an. Tandis que la monnaie s’est effondrée. En 2013, il fallait sept livres pour obtenir un dollar, il en faut 30 aujourd’hui au cours officiel, plutôt 50 au marché noir.

Depuis un an, la livre égyptienne a été dévaluée trois fois. Sans parvenir à stabiliser la monnaie et à faire rentrer davantage de devises. Le prix des produits importés a explosé et les marchandises sont bloquées dans les ports faute de dollars pour régler la facture.

Appauvrissement

La population s’est brutalement appauvrie, sans avoir jamais touché les dividendes des projets pharaoniques lancés par le président al-Sissi. Le nouveau canal de Suez, lancé en 2015, est l'un des rares investissements qui a profité à l'économie égyptienne. Les revenus du canal se sont envolés en 2022, à plus de neuf milliards de dollars. C'est l’un des secteurs prospères avec l'exportation du gaz naturel.

En revanche, les investissements de prestige voulus par le président al-Sissi ont été des gouffres financiers. Il a fallu trouver 45 milliards de dollars pour financer la nouvelle capitale administrative construite dans le désert. En recourant à l’emprunt, l’État a dilapidé l’argent qui n’existait pas dans les caisses publiques sans modifier en profondeur l’économie. Car ces investissements ont surtout engraissé les militaires, les principaux bénéficiaires des contrats. En Égypte, l’armée a un quasi-monopole sur les activités les plus rentables.

Risque de crise

La dette publique s’est envolée et l’Égypte n’arrive plus à faire face aux échéances. Selon l'agence Bloomberg, c’est le pays le plus exposé au risque de crise de la dette, après l’Ukraine. C’est aussi l’un des pays qui a le plus emprunté au Fonds monétaire international (FMI). Le Fonds est intervenu quatre fois depuis 2016, de bonne grâce pour soutenir un pays clé du Moyen-Orient, fragile sur le plan politique et social. Les dégâts économiques causés par le Covid-19, puis la guerre en Ukraine, ont largement justifié les prêts suivants du FMI.

Mais voyant que les réformes demandées sont sans cesse remises à plus tard, le Fonds conditionne désormais le versement des trois milliards de dollars récemment promis à la mise en œuvre de mesures de choc, pour enfin libéraliser l’économie, la délivrer du joug de l’armée. Le gouvernement doit à tout prix boucler le programme des privatisations en souffrance. Une nouvelle dévaluation se profile, avec à terme la libéralisation du marché des changes. Ces exigences du FMI vont d'abord aggraver les difficultés des ménages, à moins qu'elles ne soient encore reportées. Avec la guerre à Gaza aux portes de l’Égypte, son économie est une nouvelle fois frappée de plein fouet par un événement externe rendant ses besoins en financement encore plus urgents. On verra si Le Caire bénéficiera d'un plan de sauvetage en faisant l'économie des réformes demandées.

À lire aussiÉgypte: face à la crise et aux coupures d’électricité, les commerçants contraints de s’adapter

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes