C'est dans ta nature

Dinde de toi (mais pas trop)

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Quarante-six millions de dindes sont tuées chaque année aux États-Unis pour Thanksgiving, fin novembre. Mais la volaille symbole des repas de fêtes de fin d'année est pourtant fort méprisée. Dans la langue française, le mot dinde est péjoratif. « C'est dans ta nature » vous explique ce paradoxe.

Le président Joe Biden gracie la dinde de Thanksgiving dans la roseraie de la Maison Blanche le 19 novembre 2021. Andrea Welp éleveuse de dindes est invitée à cette occasion.
Le président Joe Biden gracie la dinde de Thanksgiving dans la roseraie de la Maison Blanche le 19 novembre 2021. Andrea Welp éleveuse de dindes est invitée à cette occasion. © ANNA MONEYMAKER / GETTY IMAGES/AFP
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Elles s'appellent Peanut Butter et Jelly. Et c'est le président des Etats-Unis qui leur a sauvé la peau, ce vendredi 19 novembre, lors de la traditionnelle cérémonie de grâce organisée à la Maison-Blanche à l'approche de  Thanksgiving, chaque dernier jeudi de novembre. Deux dindes graciées par Joe Biden, quand beaucoup d'autres vont finir dans l'assiette des Américains. Thanksgiving est une fête plus importante que Noël....

La dinde, qui faillit devenir l'emblème des États-Unis (la France s'est bien choisie un coq), est américaine, native du « Nouveau Monde », domestiquée il y a plus de 2 000 ans par les Mayas et les Aztèques pour leurs repas sacrés. Ramenée au XVIe siècle en Europe par les conquistadors qui pensaient avoir découvert l'Inde, elle prit le nom de « poule d'Inde », qu'on finit par appeler « dinde ». Et très vite trôna à la table des rois de France, avant de devenir l'un des plats emblématiques de Noël.

La volaille est imposante, et domine la basse-cour. Les dindons peuvent peser 15 kilos - ça en fait, de la viande. Démarche chaloupée, le dindon dodeline, la tête et le cou déplumés, rouge vif - un peu de bleu pour ces messieurs. En période de reproduction, le dindon, polygame, fait la roue, glougloute bruyamment, et sa caroncule, ce bout de peau qui pend de sa tête, prend du volume.

La dinde est un animal de fête - mais plus seulement depuis l'avènement de l'industrie agro-alimentaire -, et subit paradoxalement le mépris des humains. Le terme « dinde », dans la langue française, est péjoratif. « Quand on dit d'une personne : "C'est une dinde", c'est quelqu'un qui ne comprend pas, qui est maladroit ou stupide, détaille Marie-Claude Marsolier, chercheuse au Museum national d'Histoire naturelle à Paris, et auteure d'un livre consacré à « la ségrégation animale »,Le mépris des « bêtes » (PUF). Ça rentre dans un cadre d'expressions péjoratives plus vaste, qui concerne les animaux non humains en général et les oiseaux en particulier. Être le dindon de la farce, c'est comme être pris pour un pigeon. »

« Ce sont des rois qu'on tue »

Des noms d'oiseaux... qui prennent souvent la forme d'une espèce de misogynie animale, sans doute liée au symbole de la ponte. « On dit aussi d'une femme qu'elle est une grue, pour dire qu'elle est prostituée, poursuit Marie-Claude Marsolier. Bavarde comme une pie. On parle aussi d'une bécasse, d'où le personnage de Bécassine... Mais si on regarde d'un point de vue comportemental, on ne voit pas pourquoi les dindes ou les dindons seraient plus stupides que d'autres oiseaux, ou que d'autres animaux, nous compris. »

Mais voilà, les humains dénigrent ce qu'ils mangent, comme l'a montré une étude scientifique que rappelle l'auteure du Mépris des « bêtes » : « Un groupe d'individus, prévenus que l'animal inconnu qu'on leur présentait servait de nourriture, l'avait jugé moins positivement que l'autre groupe qui ignorait tout de sa destination alimentaire... »

Mais décrier un animal symbole de la fête, c'est quand même une historie de dinde ! « La dinde ou le dindon sont les rois de la fête parce que leur cadavre trône au milieu de la table, rappelle Marie-Claude Marsolier. Mais ce sont de tristes rois et reines. Et à ce titre, c’est tout à fait normal qu'ils soient méprisés, puisque ce sont des rois qu'on tue. »

LA QUESTION DE LA SEMAINE

Pourquoi les noms des végétaux et des animaux sont en latin ?

Il fallait une langue universelle pour qu'on puisse comprendre partout de quelle espèce on parle, et c'était le latin, la langue des élites et des savants. Au 18e siècle, le naturaliste suédois Carl von Linné a lui imposé une dénomination binomale. Prenons l'exemple du Tigre. Son nom scientifique est Panthera tigris. Panthera, c'est le genre, et tigris, l'espèce. Un peu comme un nom et un prénom. Même si tout le monde l'appelle par son diminutif.

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