C'est dans ta nature

La mouche du gendarme

Publié le :

Les diptères nécrophages, plus souvent connus sous le nom de mouches à merde, sont des alliés dans les enquêtes criminelles. Reportage à l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale, près de Paris, où des mouches récupérées sur des cadavres servent à dater la mort d’une victime.

Les mouches aiment aussi butiner les fleurs.
Les mouches aiment aussi butiner les fleurs. © Getty Images - MICHAEL CORCORAN
Publicité

Elles sont collantes, parfois bruyantes, et vous les trouvez répugnantes, au point de les appeler mouche à merde. Mais certains gendarmes s’en font des alliées. C’est le cas à l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), à Cergy, près de Paris, et plus précisément au département FFF, pour faune et flore forensiques, les techniques scientifiques au service de la justice : comment des plantes ou des animaux peuvent aider les enquêteurs à résoudre les crimes.

Il y a par exemple la palynologie légale, l’étude des grains de pollen retrouvés dans les voies respiratoires d’un cadavre, pour dater la mort d’une victime, puisque les plantes ne libèrent des pollens qu’à une certaine époque. Et il y a donc également l’entomologie légale, quand des insectes, des diptères nécrophages, permettent aussi d’éclairer le travail des enquêteurs.

A l’aide d’un microscope, identification de pupes de diptères retrouvés sur une scène de crime.
A l’aide d’un microscope, identification de pupes de diptères retrouvés sur une scène de crime. © RFI/Florent Guignard

Des sacrés voraces, ces diptères nécrophages, qui se nourrissent ainsi de cadavres. « On avait pris un porc de 25 kilos, en forêt de Fontainebleau, au sud de Paris, et de mémoire, en 13 jours, la carcasse était totalement nettoyée », raconte le capitaine Hubert Joulin, le chef du département FFF de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale.

Dans les plaies ou les orifices naturels

Ces insectes détritivores, dans une enquête criminelle, vont être prélevés sur un cadavre et sur la scène de crime, en particulier les larves qu’ils ont pondues dans la chair en putréfaction. « Certaines espèces sont attirées par le corps dès le décès, s’il y a des plaies ou même dans les orifices naturels. Toute cette faune va se développer et l’important pour nous est d’avoir un prélèvement le plus représentatif de la scène de crime, dans l’espoir de retrouver l’individu le plus ancien. » Ce qui permettra de remonter dans le temps, et d’approcher au plus près la date de la présence du cadavre.

Les scellés, qui contiennent des larves et de la terre prélevée autour du cadavre, arrivent à l’IRCGN à Cergy, où peut commencer l’identification des espèces prélevées, dans des locaux austères, des pièces aveugles sans la lumière du jour – on est loin du clinquant des séries américaines types Les Experts… « Les espèces vivantes vont être mises en élevage, dans des incubateurs. » Des espèces de grands frigos, où la température est régulée et contrôlée, et où sont entreposés des plateaux.

 Élevage sur un steak

« On peut voir un lit de sable, de la viande de bœuf. Non, il ne faut pas croire que c’est issu du corps d’une victime, on a seulement des insectes qui nous arrivent ! Sur le morceau de viande, vous pouvez voir des larves qui vont et viennent », décrit encore Hubert Joulin. C’est cette viande dont se nourrissent les larves pour grandir. « Au bout d’un moment, elles vont former une pupe, l’équivalent de la chrysalide des papillons pour les diptères. Et au bout d’un moment, un adulte va en sortir. »

Ce qui permettra d’identifier l’espèce retrouvée sur le cadavre, et donc, en fonction des relevés de températures et de l’environnement de la scène de crime, de dater précisément le jour de la ponte, pour dire : le cadavre était déjà là à telle date. Et bien souvent, les enquêteurs font mouche.

«Les mouches à merde aiment vraiment ça ?»

Ah oui, elles aiment bien les cadavres, les excréments, toutes les matières en décomposition, parce qu'elles sont riches en nutriments.

Pour s’en nourrir, la mouche laisse un peu de salive sur le caca, avant d’aspirer tout ça. Les mouches adultes y pondent aussi leurs œufs, bien au chaud, et bien nourris, le garde-manger à domicile. C'est un peu la loi de Lavoisier adaptée à la scatophagie ou la nécrophagie : rien ne se perd, tout se transforme. Et elles font même le ménage ! Rassurez-vous, ces mouches-là n'ont pas qu'une vie d'excréments : elles aiment, aussi, butiner les fleurs.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes
  • 03:19
  • 03:37
  • 03:24
  • 02:40
  • 03:17