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L’orque, la prédation au féminin

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L’orque qui errait dans la Seine est finalement morte lundi. Le mammifère marin est un superprédateur, au sommet de la chaîne alimentaire dans les océans.

Mère orque et son bébé au large de l'île Wrangell, dans le sud-est de l'Alaska, aux États-Unis.
Mère orque et son bébé au large de l'île Wrangell, dans le sud-est de l'Alaska, aux États-Unis. LightRocket via Getty Images - Wolfgang Kaehler
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Son calvaire aura duré de longs jours, jusqu’à sa fin tragique. L’orque qui errait dans la Seine a finalement été retrouvée morte lundi, alors qu’avait été prise la décision d’euthanasier l’animal trop affaibli. Mais pourquoi ce mammifère marin s’est-il retrouvé dans un fleuve, loin de son habitat naturel ? Première hypothèse émise après la découverte de l’animal dans la Seine : malade, l’orque aurait été rejetée par sa famille. Une théorie contestée aujourd’hui par plusieurs spécialistes contactés par RFI. « Il y a une énorme solidarité entre les orques, souligne la présidente de l’ONG Sea Shepherd France, Lamya Essemlali. On se souvient de ces images tournées en Colombie britannique [sur côte ouest du Canada] : une maman orque avait porté pendant des jours le cadavre de son petit. »

Sea Shepherd France pointe plutôt les activités humaines et en particulier la pollution sonore dans cette région du Havre, à l’embouchure de la Seine. Les orques communiquent entre elles par des sifflements et se repèrent par échocalisations en émettant des clics. Des signaux perceptibles jusqu’à 10 kilomètres. Mais au-delà, impossible de retrouver sa famille. « Il y a énormément de trafic maritime, une pollution sonore énorme, souligne Lamya Essemlali. Il est donc possible que l’orque ait perdu son groupe par accident et qu’une fois seule elle ait eu du mal à se nourrir, ce qui expliquerait pourquoi elle était amaigrie. »

Tueuses de baleines

Parce que les orques chassent en groupe, avec une intelligence remarquable. Ces superprédatrices de plusieurs tonnes, tout en haut de la chaîne alimentaire, peuvent, par exemple, donner de violents coups de queue sur un bout de banquise pour faire tomber à l’eau le phoque qui s’y trouvait. On a vu aussi une orque surgir de l’eau, la gueule grande ouverte, au moment où un manchot se jetait à l’eau du haut de la banquise. Les orques, présentes sur tous les océans, sont aussi capables de s’attaquer à des requins et même des baleines. C’est d’ailleurs le nom de l’orque en anglais : killer whales, tueuse de baleines.

En français, orque est un nom féminin, parce que chez cette cousine du dauphin ce sont les femelles qui mènent la danse, qui savent où sont les proies et comment les chasser. Une organisation matriarcale qui tient sans doute à la longévité de la femelle, qui dépasse les 80 ans, même si les orques ne sont plus fécondes à la moitié de leur vie. « À quoi ça sert de survivre aussi longtemps alors qu’on ne contribue plus à la reproduction du groupe ? interroge Christophe Guinet, directeur de recherche au CNRS et spécialiste des mammifères marins. On l’explique par cet effet expérience. Les orques dominantes vont bien évidemment élever leurs propres jeunes, mais elles vont aussi intervenir dans la formation de leurs petits-fils et de leurs petites-filles. C’est ce qui pourrait expliquer ce rôle de dominance, du fait de cette expérience, au sein des familles d’orques. »

Mother power

Les femelles vivent ainsi presque deux fois plus que les mâles. « Au moment où la matriarche, la femelle fondatrice, meurt, les filles ont tendance à se séparer et à partir avec leur propre descendance directe, leurs propres fils et filles, poursuit Christophe Guinet. Et ce qu’on a aussi observé, c’est que dans les deux ans qui suivent la mort de la matriarche, ses fils vont mourir, parce qu’ils sont rejetés par leurs sœurs. » La nature est parfois cruelle.

Les orques, au sommet de la chaîne alimentaire, n’ont qu’un ennemi : l’être humain, en particulier les pêcheurs qui leur tirent dessus lorsqu’elles s’approchent trop de leurs filets. Ou qui épuisent, par la surpêche, les ressources alimentaires des orques. Même les superprédateurs sont vulnérables.

LA QUESTION DE LA SEMAINE

L’humain est-il un super-prédateur ?

Homo sapiens est même un hyperprédateur. Le seul animal à tuer plus que de raison, juste par plaisir, et les proies les plus grosses, adultes, quand les autres prédateurs se nourrissent des proies les plus faibles. Hormis les humains, responsables de l’extinction de nombreuses espèces, les superprédateurs contribuent à l’équilibre de la nature. C’est le cas du loup, par exemple, réintroduit dans le parc de Yellowstone aux États-Unis. Son retour a permis de réguler les populations de wapitis, qui dévoraient la végétation. Les oiseaux sont revenus, ainsi que les charognards, les castors... Inutile donc de crier au loup !

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