L'Afrique, entre Israël et Palestine: migration des solidarités
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Quelques grandes capitales occidentales viennent d’annoncer la reconnaissance de l’État palestinien, adoubé, depuis 1988, par la quasi-totalité des pays africains. Mais, lorsque à la tribune des Nations unies, des dirigeants africains ont fait, cette semaine, un vibrant plaidoyer pour le peuple palestinien, certains se sont dits que l’Afrique, majoritairement, est hostile à Israël.

La plupart des peuples africains ont, avec les Israéliens, des liens qui remontent à l’aube des indépendances. Cela n’interdit pas la compassion pour les Palestiniens, au regard du déferlement de violence qu’ils subissent. Et c’est à dessein que, citant le Dr Kwame Nkrumah, père de l’indépendance ghanéenne, John Dramani Mahama, son lointain successeur, a déclaré : « Nous voulons être l’ami de tout le monde, l’ennemi de personne ».
En mars 1957, Kwame Nkrumah avait justement invité la cheffe de la diplomatie israélienne Golda Meir, pour l’indépendance du Ghana. C’est là qu’ont été posées les fondations de la coopération entre l’Afrique et l’État hébreu, sans doute une des plus fructueuses entre les Africains et quelques autres peuples. Cela n’exclut pas, par moments, quelques réflexions excessives ou hostiles au gouvernement israélien.
Mais les Africains qui ont de la mémoire savent distinguer ce peuple dont beaucoup étaient proches, durant les 15 premières années des indépendances, de ses dirigeants du moment. Golda Meir suscitait, sur le continent, une réelle ferveur : « Nous partageons avec les Africains non seulement les défis qui vont avec la nécessité d'un développement rapide, mais aussi le souvenir de siècles de souffrances : oppression, discrimination, esclavage. Pour les Africains, comme pour les Juifs, ce ne sont pas de simples clichés, liés à de lointaines expériences vécues par des ancêtres oubliés ; ils sont en rapport avec des tourments et des humiliations qui ne datent que d'hier », disait-elle.
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S'inspirer de l'écrivain hongrois Theodor Herzl
Elle semblait s'inspirer de Theodor Herzl, journaliste et écrivain austro-hongrois. Ce dernier écrivait que la question africaine était d’une tragédie profonde, qui ne pouvait être appréhendée que par un juif. Il évoquait ces êtres humains qui, uniquement parce qu'ils étaient noirs, étaient volés comme du bétail, capturés, faits prisonniers, vendus. Leurs enfants grandissaient en terre étrangère, objets de mépris et d'hostilité, à cause de la couleur de leur peau. Theodor Herzl disait espérer, dès lors qu’il aura assisté à la rédemption des juifs, voir aussi celle des africains. Il est mort en 1904. Mais son roman, « Altneuland », était le bréviaire de Golda Meir.
L'ancienne ministre des Affaires étrangères, devenue également Première ministre, a déployé, dans toute l'Afrique, entre 1958 et 1973, des milliers d'experts israéliens en agriculture, en hydrologie, en santé publique, et divers autres domaines. Ces experts, parfois très jeunes, vivaient avec les populations, dans une simplicité inimaginable chez le colonisateur ou le coopérant occidental. Des milliers d’Africains étaient aussi formés en Israël, et rapportaient chez eux un peu de cette technicité grâce à laquelle, sur une terre austère, les Israéliens avaient su créer de la prospérité.
Golda Meir se disait particulièrement fière de ce programme de coopération. Mais a avoué son amertume, lorsqu’en 1973, les États africains, collectivement, ont rompu les relations avec Israël. « Pour bénéficier à nouveau de notre amitié, ils devront vraiment la mériter », avait-elle prévenu.
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Une interruption brutale en 1973
Tout cela s'interrompt brutalement en 1973 par solidarité avec l’Égypte, pays africain, dont une partie du territoire était occupée par Israël. Mais, même après la réconciliation israélo-égyptienne à Camp David, en septembre 1978, certains États africains ont continué à boycotter Israël. Dans leur rancœur, la cause palestinienne a pris le relais de la solidarité avec l’Égypte.
Et lorsque, finalement, la plupart renouent avec Israël, ils ne demandent pas ces technologies, qui permettent d’aller chercher, 800m sous terre, dans le désert du Néguev, de l’eau, saumâtre, d’en utiliser la chaleur pour chauffer les serres durant les nuits froides, pour ensuite l’utiliser pour élever des poissons d’eau de mer puis, tout au bout de la chaîne, arroser les fruits et légumes. Non, la plupart préfèrent payer cher pour avoir une protection israélienne infaillible. Mais uniquement pour le chef de l’État et quelques surveillances téléphoniques. À chacun son sens des priorités.
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