Et vive l'inconséquence des opposants!
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Dans nombre de pays africains, les dirigeants et régimes décriés doivent leur pérennité autant aux inconséquences de leurs oppositions qu'au soutien aveugle et zélé de leurs partisans.

Il était annoncé comme une simple révision technique, mais le projet adopté, cette semaine, par l’Assemblée nationale, au Tchad, est important. Il porte sur la durée et le nombre de mandats que peut briguer le président de la République. Pourquoi cette révision constitutionnelle génère-t-elle autant de controverse ?
Sans doute parce que les Tchadiens, entre les intentions proclamées et la réalité qu’ils vont devoir subir, craignent, encore une fois, un traquenard. Les dispositions adoptées par 171 des 188 députés rallongent de deux ans le mandat conquis il y a tout juste seize mois par Mahamat Idriss Déby. Et il pourra, ensuite, en briguer autant qu’il voudra. La seule voix contre était celle d’un député de l’opposition, resté dans la salle, alors que ses autres collègues en étaient sortis, après qu’un élu de la majorité ait proposé, sous prétexte d’économies, la présidence à vie pour le président, dont le pouvoir serait d’émanation divine.
Que des élus de la République en viennent à vouloir sécuriser ad vitam aeternam le pouvoir d’un président qui n’a encore opéré aucun miracle dans ses fonctions est d’une désespérante niaiserie. Ils auraient pu inscrire toutes ces dispositions dans la Constitution adoptée en décembre 2023. Mais, peut-être auraient-elles paru trop indécentes, avant les élections. Il est toujours plus facile de laisser tomber les masques, quand on est déjà installé au pouvoir, et que les électeurs ne peuvent plus fuir. C’est en cela que résident les soupçons de supercherie.
D’où viendraient donc ces supercheries ?
À la mort d’Idriss Déby Itno, en avril 2021, on avait fait croire que le Tchad, trop vulnérable, risquait d’être livré aux rebelles, si la succession s’opérait dans le respect de l’ordre constitutionnel. C’était la justification, pour installer son fils Mahamat, militaire, dans le fauteuil présidentiel, alors qu’il n’avait même pas l’âge requis pour assumer de telles fonctions. Les parrains assuraient alors que cela ne durerait que le temps d’une brève transition. La suite, cinglante et sanglante, est encore gravée dans toutes les mémoires. Quatre ans plus tard, alors que le premier mandat de cet héritier court encore, des aménagements constitutionnels sont pris, pour s’assurer que sa présidence s’éternise. Et ses concitoyens, naturellement, suspectent une nouvelle supercherie….
Il n’empêche. Indexer les seuls tyrans, despotes et autres dirigeants plus ou moins autoritaires revient à exonérer leurs partisans, leur entourage, comptables, au Tchad comme ailleurs, des retards qu’accusent les nations. Tout comme, d’ailleurs, les opposants qui, par leurs actes et inconséquences, concourent grandement à la pérennité de régimes et dirigeants décriés, comme nous le rappelle sans cesse l’actualité.
En quoi les opposants sont-ils comptables de la pérennité de régimes qu’ils combattent ?
De manière consciente ou pas, ces opposants posent des actes qui engagent leur responsabilité. Ces derniers temps, au Cameroun, les opposants, historiques ou de fraîche date, tentent de persuader l’opinion de la nécessité d’en finir avec le régime de Paul Biya. Mais, en même temps, tous déclinent l’invitation à présenter une candidature unique face au président sortant. Dans ce scrutin qui se joue à la proportionnelle à un tour, onze candidats, dont aucun n’imagine devoir sacrifier sa petite personne pour faire gagner l’opposition. C’est la défaite garantie, le 12 octobre prochain, face à Paul Biya qui, si les dieux du Dja-et-Lobo lui prêtent vie, sera centenaire, au terme du prochain mandat. Ces opposants sont donc comptables, comme les recalés qui, en Côte d’Ivoire, préfèrent laisser un boulevard au président qu’ils accusent de tous les maux, plutôt que de soutenir tel ex-allié, tel frère-ennemi ou telle âme, jadis sœur…
Entre le zèle imbécile des partisans et l’inconséquence des opposants, plus vindicatifs à l’égard d’autres opposants que vis-à-vis de celui qu’ils désignent comme leur principal adversaire, les dirigeants cramponnés au pouvoir et à ses privilèges savent qu’ils ont de beaux jours devant eux. Et ils en jouent. Avec une cynique délectation.
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