Chronique des médias

Manipulation médiatique

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Nous parlons de la manipulation de l’information autour des migrants postés à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. C’est une nouvelle forme d’intoxication médiatique.

Crise des migrants à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Côté polonais, les forces de sécurité verrouillent les points de passage, le 8 novembre 2021.
Crise des migrants à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie. Côté polonais, les forces de sécurité verrouillent les points de passage, le 8 novembre 2021. REUTERS - Kacper Pempel
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Comme le remarque Franc-Tireur, le nouvel hebdo créé cette semaine par le groupe CMI de Daniel Kretinsky, il y a une « triple instrumentalisation géopolitique » à travers ces 2 000 migrants qu’on a fait venir à la frontière polono-biélorusse. Celle du dictateur Loukachenko d’abord, qui en organisant la venue de ces migrants espère infléchir l’Union européenne dans sa politique de sanctions envers son régime.

Celle de Poutine ensuite qui laisse faire son allié en espérant souffler sur les braises des nationalismes et diviser l’Europe afin d’alléger les sanctions instaurées contre la Russie après l’annexion de la Crimée en 2014. Celle de la Pologne enfin qui fait vibrer la corde populiste du « péril russe » et de « l’invasion étrangère ». Mais cette instrumentalisation est aussi une manipulation médiatique en plusieurs actes.

Acte 1, on l’a dit, Loukachenko parque ces migrants, des Kurdes d’Irak pour la plupart, à la frontière. Acte 2, la presse internationale est écartée pour laisser aux Russes et aux Biélorusses le monopole des images. Acte 3, l’image d’un migrant coupant des arbres à la hache pour franchir les fils de fer barbelés arrive sur les plateaux de télé sur le registre de « l'invasion migratoire ». Le député européen Stéphane Séjourné a rappelé sur France Info qu’« on connaissait l’ingérence via les réseaux sociaux, les tweets, les fake news, mais qu’on ne connaissait pas du tout l’ingérence et la manipulation des opinions publiques via un plateau de télé organisé à la frontière avec des images qui tournent en boucle sur les réseaux sociaux et les chaînes ».

Plutôt que de dénoncer un trafic d’êtres humains mettant en danger la vie d’autrui comme en témoigne la mort d’un bébé, des médias sont tombés dans le piège de Loukachenko en se demandant comme sur CNews s’il fallait répondre à cette « agression » ou à cet « acte de guerre » en tirant sur les migrants. Focaliser le débat sur la question de « l’invasion migratoire » et non plus sur l’asile, c’est ce que veulent ceux qui entendent affaiblir nos démocraties en nous divisant.

Alors que faire ? Vendredi, dans une table ronde réunie à la BNF à l’occasion du Prix Albert Londres, quelques conseils ont été donnés par Tristan Waleckx, de France 2 : « L’investigation est le meilleur moyen de lutter contre les fake news et de ramener de la confiance envers les journalistes », a-t-il dit. De l’enquête donc et du reportage, ou de l’exploitation de données sensibles par un collectif de médias comme dans Pegasus ou le Congo Hold-up. Tout plutôt que du commentaire incendiaire et bon marché sur un plateau télé.

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