Russie: la liberté d’informer d’un «agent de l’étranger»
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Nous parlons, avec Amaury de Rochegonde, du durcissement du contrôle des médias et des voix discordantes en Russie après la dissolution de l’ONG Memorial.

« Agent de l’étranger ». C’est par ces mots que sont frappés d’opprobre, en Russie, les ONG comme Mémorial, qui vient d’être dissoute, mais aussi des médias, des journalistes et de plus en plus les avocats. Evgueni Smirnov et Ivan Pavlov, les défenseurs du reporter d’investigation Ivan Safronov, ont ainsi été contraints à l’exil après avoir reçu ce statut infamant et des poursuites pour divulgation d’informations confidentielles.
Si le cas de Mémorial, « agent de l’étranger » depuis 2016, est saisissant, ce n’est pas simplement parce que c’est une ONG symbole de la Perestroïka, fondé par le prix Nobel de la Paix Andrei Sakharov. Ou parce que ce nom reste associé à la révélation en Russie de la terreur stalinienne. C’est aussi parce que Mémorial était devenu un instrument d’informations à travers son centre de défense des droits humains - estampillé « agent de l’étranger » lui depuis 2013 - pour sa dénonciation des exactions en Tchétchénie ainsi que sa défense et son décompte des prisonniers politiques. Mercredi 5 janvier, un tribunal de Moscou décidera d’ailleurs du sort de ce centre qui enquêtait récemment sur les mercenaires de Wagner en Syrie.
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Bâtir un Internet souverain
Sur la liste des « agents de l’étranger », qui rappelle le régime stalinien, on compte une centaine de médias, de journalistes, de blogueurs et même d’artistes puisque deux des Pussy Riot ont reçu ce label jeudi 30 décembre. Le chiffre est en forte augmentation puisqu’il n’y avait dans la liste que onze organisations il y a un an. Parmi les obligations de ces prétendus « agents de l’étranger », la présence d’une clause de 24 mots en gros caractères sur chaque publication, un rapport trimestriel déclaratif sur leurs activités et le paiement d’un audit annuel. Évidemment, contrevenir à ces règles entraîne des amendes et des poursuites. Mais surtout, le label déclenche un opprobre public qui détourne les annonceurs, les sources et les lecteurs, comme on l’a vu avec le site indépendant Meduza qui a intégré ce registre en avril dernier.
En Russie, il s’agit ainsi d’étouffer l’exercice du journalisme comme l’expression de toute voix discordante par rapport à la propagande d’État. Comme en Chine, l’idée est de bâtir un Internet souverain isolé des grands serveurs mondiaux d’où seront exclues les voix dissidentes. L’Occident ne reste pas muet. Le 22 décembre, le régulateur berlinois des médias a obtenu d’Eutelsat l’arrêt de la diffusion par satellite de la chaîne Russia Today ou RT en allemand pour laquelle aucune autorisation n’avait été donnée. RT, diffusée en France, est qualifié de « média affilié à un État », et uniquement sur les réseaux sociaux.
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