Chronique des médias

Les émeutes à l’heure des réseaux sociaux

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Retour sur le rôle joué par les médias sociaux dans les émeutes urbaines qui ont touché la France alors qu’Emmanuel Macron a songé à bloquer leur accès dans les zones sinistrées.

les réseaux sociaux se nourrissent des médias comme les médias, et notamment les chaînes d’info, se nourrissent de leurs vidéos.
les réseaux sociaux se nourrissent des médias comme les médias, et notamment les chaînes d’info, se nourrissent de leurs vidéos. © AP/Karl-Josef Hildenbrand
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C’est devant 200 maires réunis à l’Elysée que le président a évoqué mardi une réflexion pour « réguler ou couper » les réseaux sociaux « quand les choses s’emballent », dit-il. On pense alors aux régimes autoritaires, en Iran ou ailleurs, qui coupent internet et les réseaux sociaux lors des révoltes de leur jeunesse. Techniquement, c’est tout à fait faisable, cela passe par le nom de domaine. D’ailleurs, après des images d’émeutiers se filmant avec leur mobile et appelant à la violence, des milliers de contenus et des centaines de comptes sur les réseaux sociaux ont été suspendus à la demande de l’État pendant les émeutes en France.

Mais la crainte est bien de voir une démocratie lutter avec les moyens de la dictature. Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, s’est donc empressé de déminer l’idée d’une interruption généralisée en évoquant « la suspension de fonctions de géolocalisation, sur certaines plateformes, qui permettent à des jeunes de se retrouver à tel ou tel endroit ».

On pense à Snapchat qui a été très utilisée pour sa capacité à géolocaliser ses amis en temps réel ou à trouver sur une carte des zones de forte viralité, qui peuvent ensuite inciter à rejoindre des émeutiers. On pense aussi à TikTok et à son algorithme de recommandation « pour toi » qui va suggérer de regarder des images qui vont faire le buzz et parfois inviter à se mettre en scène sur une action violente.

Pas de vidéo, pas d'indignation

La Première ministre Elisabeth Borne estime que les réseaux sociaux « facilitent parfois l’organisation des violences et ont souvent une responsabilité dans la désinhibition des jeunes ». Mais sans réseaux sociaux, sans la vidéo partagée de la mort de Nahel, tué par un policier, pas d’indignation dans les quartiers sensibles. La victime était mineure, comme de nombreux émeutiers. Et la vidéo a permis d’invalider la version policière. Le 14 juin, près d’Angoulême, le Guinéen Alhoussein Camara a aussi été abattu après un refus d’obtempérer en voiture, comme l’a rappelé Daniel Schneidermann dans Libération. Mais il n’y a pas eu de vidéo… Donc pas d’indignation nationale.

Les médias français sont souvent jugés trop proches des sources policières. Ils sont rejetés par les jeunes de quartiers qui leur reprochent de ne parler d’eux qu’en cas d’émeute. Selon Pascal Froissart, professeur au Celsa, les réseaux sociaux offrent à ces jeunes des « lieux de délibération » qui leur sont propres. Mais l’erreur serait de les imaginer dans une bulle, imperméable à l’information, « techno-déterminés », comme il dit. En réalité, les réseaux sociaux se nourrissent des médias comme les médias, et notamment les chaînes d’info, se nourrissent de leurs vidéos.

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