Chronique des matières premières

Prêts gagés sur le pétrole ou le minerai: toujours une grande opacité

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Faute de pouvoir emprunter sur le marché bancaire conventionnel, nombre de gouvernements ont recours à des prêts qu’ils remboursent grâce à l’exploitation de leur matière première. 90 % de ces prêts souscrits au niveau mondial sont accordés par la Chine, dans une grande opacité.

L’Institut de gouvernance des ressources naturelles (INRGI) a prouvé qu’entre 2004 et 2018, 90 % du montant total des prêts avaient été octroyé par des organismes chinois.
L’Institut de gouvernance des ressources naturelles (INRGI) a prouvé qu’entre 2004 et 2018, 90 % du montant total des prêts avaient été octroyé par des organismes chinois. ©REUTERS/Brendan McDermid
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La dette publique doit être publique ! C’est ce dicton qui a poussé la base de données AidData à rendre accessible le mois dernier une centaine de contrats de prêt entre des sociétés chinoises et une vingtaine d’Etats riches en matières premières. Ces prêts qui virent parfois au piège, permettent à des gouvernements de rembourser leur dû en nature ou grâce aux revenus de leurs ressources naturelles, qui servent parfois aussi de garantie.

L’année dernière l’Institut de gouvernance des ressources naturelles ( NRGI Natural resource governance institute ) a prouvé qu’entre 2004 et 2018, 90 % du montant total de ces prêts avait été octroyé par des organismes chinois - en Afrique l’essentiel de ces prêts adossés aux ressources ont été accordés par deux banques publiques, la Banque de développement de Chine et Eximbank China. Avec, c’est une constante, selon les experts qui ont étudié ces prêts, des clauses de confidentialité qui limitent la divulgation des informations relatives au contrat.

Le Tchad et le Congo contraints de renégocier leur dette

Lorsqu’on regarde le continent africain, seulement la moitié des prêts est octroyée par la Chine, l’autre provient d'entreprises internationales de négoce de matières premières. Mais cela ne change rien à la transparence, l’opacité est là encore plus grande, pointe un analyste, et souvent les prêts plus chers, - taux d’intérêt plus élevés, et échéances de remboursement beaucoup plus rapprochées. Résultat les Etats se retrouvent souvent pris à la gorge et sombrent dans une spirale de surendettement. L’expérience du Tchad qui a dû renégocier sa dette avec Glencore faute de pouvoir honorer son contrat en est l’illustration parfaite. Idem au Congo-Brazzaville où la compagnie pétrolière nationale ( SNPC ) a emprunté elle aussi auprès d’entreprises de négoce international. Sa dette est en cours de renégociation depuis plus de deux ans, mais les discussions n’ont pas encore abouti, ce qui prive le pays des aides financières qu’il attend du Fonds monétaire international, notamment une aide d’urgence dans le cadre de la pandémie, le FMI jugeant entre autres, que la dette du pays est actuellement insoutenable.

Impliquer les députés pour plus de transparence

Face au manque d'informations publiques sur le sujet, les organisations qui militent pour la transparence des industries extractives, ou qui luttent contre la corruption ne lâchent rien. Elles espèrent notamment que les députés pourront à l’avenir plus souvent avoir un droit de regard sur les contrats via un processus de ratification parlementaire encore trop rare. C’est une question de transparence et de redevabilité explique-t-on à l’Institut de gouvernance des ressources naturelles. Mais aussi parfois une question de souveraineté. Les gouvernements ne perdent-ils pas parfois le contrôle d’une part de leur matière première, s’interroge un acteur de la société civile ? Dans certains pays comme en Guinée, la Chine à l’origine du prêt est aussi à l’origine des revenus qui servent à rembourser l’argent puisque ce sont ses propres sociétés implantées localement qui exploitent le minerai –la Bauxite en Guinée- sans que par exemple les autorités n’aient une visibilité complète sur la réalité des quantités et de la qualité de la production et des exportations.

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