Chronique des matières premières

Miel d'Ukraine: l'Europe va devoir apprendre à vivre sans

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Le miel ukrainien ne fait pas exception. Depuis le début de la guerre, les exportations sont à l’arrêt. Or l’Ukraine était devenue le deuxième fournisseur de miel pour l’Europe derrière la Chine. Le marché international se prépare à de grands bouleversements.

L’arrêt des exportations de miel en provenance d'Ukraine est une mauvaise nouvelle, mais le bouleversement va au-delà.
L’arrêt des exportations de miel en provenance d'Ukraine est une mauvaise nouvelle, mais le bouleversement va au-delà. © CC0 Pixabay/Estelle Heitz
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Les apiculteurs ukrainiens sont près de 300 000 et exportaient avant la guerre plus de trois quarts de leur production vers l’Europe. Mais le conflit a bouleversé leur activité. Certains ont vu leur usine ou leur matériel détruits. Les autres s’interrogent : pourront-ils récolter le miel de colza dans les semaines qui viennent ? Et que se passera-t-il si les semis de tournesol ne sont pas possibles ? Le miel de tournesol est presque incontournable pour fabriquer les miels toutes fleurs et la plupart des miels crémeux. 

L’arrêt des exportations est donc une mauvaise nouvelle, mais le bouleversement va au-delà. « Il est quasi-certain que la prochaine récolte ukrainienne sera très basse, voire nulle », prédit Eric Lelong président d’InterApi, l’interprofession française. Autre source d’inquiétude, l’origine polonaise pourrait aussi venir à manquer, car la plupart des usines ont des succursales en Ukraine, les volumes de miel vendus par les Polonais sont attendus aussi en baisse. 

L’Argentine marché de repli ? 

Résultat, la tension sur les prix devrait très vite se faire sentir selon l’Interprofession française. Car depuis 2014, l’Ukraine n’a fait qu’augmenter ses exportations vers l’Europe pour en devenir le deuxième fournisseur, rappelle Henri Clément, porte-parole du syndicat Unaf (Union nationale de l’apiculteur française). Les achats qui ne se feront plus en Ukraine devront se faire en Chine, qui avait perdu des parts de marché ces dernières années, en Turquie peut-être, ou en Argentine, le marché de repli traditionnel. Or sur le terrain de l’Amérique latine, les États-Unis sont déjà de gros acheteurs.  

« Ce qui sera compensé par le biais de l’Argentine se fera donc forcément à des prix plus élevés et la mécanique haussière fera grimper les prix européens », explique Eric Lelong. Il n’y a pas de cours du miel, mais le prix européen est indexé de fait sur le prix le plus bas à l’importation en dehors de l’Europe. Un miel ukrainien d’entrée de gamme à 2,50 euros le kilo entraîne un miel français souvent un euro plus cher. Si le prix argentin augmente du fait de la demande, le premier prix allemand, italien ou français va lui aussi grimper d’autant. 

Des surcoûts à la production qui inquiètent les apiculteurs 

Pour les apiculteurs européens, cela aurait pu être une aubaine, puisque le miel devrait se vendre plus cher dans les prochains mois. Mais ce gain s’accompagne en parallèle d’une hausse des prix du carburant : or un éleveur d’abeilles qui part en transhumance en camion avec ses colonies d’insectes peut parcourir des milliers de kilomètres par an. S’il se déplace pour faire du miel, il pourra récupérer une partie du coût du diesel sur le prix de vente, mais s’il part pour faire de la pollinisation, auprès d’agriculteurs dans le cadre d’un contrat déjà conclu à un prix fixé, il travaillera quasi à perte, confie un apiculteur. 

À cela s’ajoute l’augmentation du prix des produits apicoles, que ce soit les fonds de ruches en plastique, les pots en verre, ou encore le sirop fabriqué à base de blé qui sert à nourrir les abeilles en début de saison.

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