Chronique des matières premières

Gabon: la tentation d'une industrie du bois plus productiviste

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Le Gabon est le seul pays d'Afrique centrale à ne plus exporter de grumes de bois brut. Mais le boom de l'industrie de la transformation a fait grimper la demande en bois et donc la production, qui a doublé en dix ans.

La Société nationale des bois du Gabon à Owendo, le port de Libreville. (Image d'illustration)
La Société nationale des bois du Gabon à Owendo, le port de Libreville. (Image d'illustration) AFP PHOTO / STEVE JORDAN
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La forêt gabonaise n'a pas connu de répit ces dernières années. En 2021, les coupes de bois ont atteint 3,7 millions de mètres cubes, alors qu'elles étaient d'1,9 million en 2012, selon le journal Le Nouveau Gabon.

Pourtant, l'interdiction d'exporter des grumes, décrétée il y a dix ans, avait d'abord conduit à une baisse des récoltes de bois. Mais la mesure a aussi créé un avantage pour les usines locales qui n'avaient plus à affronter la concurrence d'acheteurs étrangers. Résultat, avec une offre de bois à prix compétitif, les usines se sont multipliées, faisant augmenter la demande.

Le risque désormais est d'avoir bientôt une surcapacité de transformation que la forêt ne soit plus en mesure d'alimenter en volume, pour certaines qualités données, explique Alain Karsenty, économiste au CIRAD. C'est le cas des essences les plus prisées comme l'okoumé de qualité supérieure. L'exploitation ne se fait généralement plus dans les forêts primaires, qui offraient des volumes de bois exceptionnels, mais dans les forêts secondaires, moins productives.

De l'importance d'alléger la pression sur les essences les plus connues

« L'investissement massif dans l'industrie du bois au moment où la rente des forêts primaires baisse doit être accompagnée d'aménagements, explique Benoît Jobbé-Duval, directeur de l'Association Technique Internationale des Bois Tropicaux (ATIBT). Il ne devrait pas y avoir d'impact sur la durabilité des forêts, si la production se répartit sur un plus grand nombre d'essences. »

Aujourd'hui, on exploite dans le bassin du Congo entre 10 et 15 essences, alors qu'il en existe 500 à 600. Mettre une dizaine d'essences de plus sur le marché – telles que l’Ozigo, l’Igaganga, l’Andoum, et aussi le Gombé – permettrait d'alléger la pression sur les essences les plus connues. Une diversification qui ne peut voir le jour qu'avec un travail d'investissement du côté de l'industrie et une sensibilisation des consommateurs.

Plus de récoltes veut dire aussi en sortie d'usine plus de bois transformé à exporter. Mais la demande est telle que le marché est loin d'être saturé, la Chine absorbant à elle seule la moitié de la production gabonaise. Le volume de bois tropical commercialisé reste par ailleurs si faible qu'un million de mètres cubes de production de bois en plus, ne bouleverse par les cours. Les prix des bois tropicaux sont ainsi restés remarquablement stables ces derniers mois par rapport aux résineux devenu, fait inédit, aujourd'hui plus chers que les bois exotiques, précise un de nos interlocuteurs.

► À écouter aussi : La filière bois se réinvente au Gabon

 Des intérêts ambivalents

Cette augmentation de production interpelle néanmoins la démarche du gouvernement qui s'est engagé à baisser ses émissions de CO2 auprès de l'Initiative pour la forêt de l'Afrique centrale (CAFI), un programme de gestion durable des forêts, piloté par la Norvège. « On vend d'un côté une réduction de la pression sur le couvert forestier alors que de l'autre, les autorités sont tentées de s'inspirer de pays comme la Malaisie qui possèdent une industrie du bois plus productiviste, résume un des spécialistes interrogés. Un message ambivalent que l'on retrouve aussi au Congo-Brazzaville. » Un pays aussi tenté d'exploiter au maximum le potentiel de production issu des concessions forestières.

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