Chronique des matières premières

Soja argentin: le mirage des agro-dollars

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La montée des prix sur le marché des matières premières agricoles pourrait être une aubaine pour les pays exportateurs de céréales comme l'Argentine. Mais cette « aubaine » ne sera finalement peut-être qu'un mirage.

un travailleur d'une ferme de Pargamino en Argentine ouvre un sac de silo à charger dans un camion pour être transporté et vendu à l'export. (Image d'illustration)
un travailleur d'une ferme de Pargamino en Argentine ouvre un sac de silo à charger dans un camion pour être transporté et vendu à l'export. (Image d'illustration) AP - Natacha Pisarenko
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L'Argentine ne veut pas rater sa chance. La hausse des prix des céréales et oléagineux est vue comme une manne pour le premier exportateur mondial d'huile et de farine de soja. Le soja, sous toutes ses formes, représente 30% des exportations du pays. En 2021, il a rapporté 9 milliards de dollars de taxes d'exportation. Ce chiffre pourrait encore grimper cette année, alors même qu'une baisse de 10% de la production est attendue.

La flambée des cours internationaux va donc être une source supplémentaire de devises. Et de rentrée d'argent de manière plus générale, puisque l'État a décidé d'appliquer une pression fiscale sur les grands producteurs et négociants. Ces taxes supplémentaires sont justifiées par « les bénéfices inattendus tirés de la guerre en Ukraine », selon la formulation officielle, bénéfices que Buenos Aires espère utiliser pour juguler l'inflation qui frappe le pays, +16% au premier trimestre 2022 et 50% en 2021.

Si ces devises vont profiter à l'État engagé dans une course permanente aux dollars pour payer sa dette, le bénéfice des producteurs pourrait s'apparenter à un mirage.

► À lire aussi : Argentine: sécheresse et envolée du cours du soja

Le prix des intrants et du carburant, cauchemar des agriculteurs

Certes, le secteur du soja devrait rapporter cette année 700 millions de dollars de plus qu'en 2021, selon la bourse des céréales de Rosario, qui fait référence dans le pays. Mais cette somme est à contrebalancer avec le prix des carburants et des engrais. Les intrants qui se paient en dollars pèsent très lourd aujourd'hui dans les portefeuilles des agriculteurs, rappelle Olivier Antoine, géo-politologue, expert des questions d'agriculture et d'alimentation en Amérique latine.

Cette charge pourrait même entraîner une baisse des emblavements, toutes cultures confondues. Dans ce contexte, les perspectives de bénéfices pourraient se transformer en opération zéro. C'est ce que craint la Chambre argentine de l'industrie oléagineuse et celle des exportateurs de céréales.

« Le monde agricole est dépité », confirme un analyste, pris à la gorge par des coûts de production qui flambent et un manque de visibilité sur le plan national, et de considération sur le plan international. Le soja, la culture phare du pays avec le maïs, est aussi une des plus taxées. Les surfaces de soja qui étaient de 21 millions d’hectares il y a 15 ans, ont diminué alors que chez le voisin brésilien, elles augmentent d'un million d'hectares tous les ans.

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