Chronique des médias

Censures d’États

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La censure des médias en Russie comme au Mali reflète les tensions entre États, mais aussi les enjeux atour d’une information crédible et digne de foi.

Si elle facilite les mensonges d’État, la censure n’est pourtant pas très efficace à l’heure des nouvelles technologies et des réseaux sociaux, où des informations se partagent sans frein.
Si elle facilite les mensonges d’État, la censure n’est pourtant pas très efficace à l’heure des nouvelles technologies et des réseaux sociaux, où des informations se partagent sans frein. © Getty Images/Tetra images/REB Images
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Ce n’est peut-être pas un hasard. Si le verrou poutinien se referme sur les voix indépendantes en Russie et empêche l’accès à des médias internationaux comme la BBC, la junte malienne prend exemple sur la conception russe de l’information. Au Kremlin, on le sait, on ne parle pas de guerre, mais « d’opération militaire spéciale » face à une Ukraine qu’il faudrait « dénazifier » alors même que son président est juif.

À Bamako, la junte suspend RFI et France 24, qui touchent un tiers de la population, en reprochant à ces deux médias de donner la parole à des victimes présumées d’exactions de l’armée malienne avec l’aide des mercenaires russes de la société Wagner. Et pour justifier cette décision, le colonel Maïga, le porte-parole de la junte, compare les deux médias français à la radio des Milles Collines. Oui, vous avez bien lu, RFI et France 24 comparés à la station emblématique du génocide rwandais qui donnait à l’antenne des listes de gens à exécuter, qui appelait au massacre des Tutsis réduits à l’état de « cafards ».

La censure ne paye pas toujours

Plus c’est gros, plus ça passe mal. Car l’arrêt des deux médias est associé à une insulte qui vise à creuser encore davantage la rupture avec la France. Mais c’est aussi l’information libre qui est visée. « C’est une attaque qui vise l’ensemble de ceux qui continuent courageusement d’exercer leur métier de journaliste au Mali », estime Reporters sans frontières. La censure ne paye pas toujours : il arrive même qu’elle se retourne contre ses instigateurs.

Du temps de l’URSS, la Pravda était tellement corsetée dans ses vérités officielles, si éloignées de la réalité, qu’elle enlevait au régime soviétique toute crédibilité vis-à-vis du peuple. Aujourd’hui, la Russie doit tout faire pour éviter que n’éclatent aux yeux des Russes les mensonges de sa propagande. Mais elle est toujours à portée de pancarte d’une Marina Ovsiannikova, cette journaliste russe qui vient d’être licenciée de sa chaîne pour avoir protesté contre la guerre en direct.

Quelle efficacité pour la censure ?

Si elle facilite les mensonges d’État, la censure n’est pourtant pas très efficace à l’heure des VPN pour accéder à Facebook et à des messageries cryptées, où des informations se partagent sans frein. En Russie, la BBC est par exemple accessible sur le dark web, via le réseau Tor.

Côté occidental, la censure de RT et Sputnik dans l’Union européenne, le Royaume-Uni ou le Canada, est contre-productive. Certes, ces médias répercutaient la propagande prorusse. Mais n’a-t-on pas intérêt à avoir une contre-information bien estampillée aux couleurs de la Russie plutôt que des comptes épars et difficilement identifiables sur les réseaux sociaux ?

►À lire aussi : Au Mali, comment continuer à écouter RFI et à regarder France 24?

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