Européen de la semaine

Sigrid Kaag, première femme Premier ministre aux Pays-Bas?

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À quelques jours des législatives néerlandaises, le Premier ministre sortant, le conservateur Mark Rutte, part favori. Mais une nouvelle fois, il va devoir monter un gouvernement de coalition et négocier avec celle qui était jusqu'ici sa ministre du Commerce extérieur. Il s’agit de Sigrid Kaag, une diplomate de carrière qui a passé plus de vingt ans à l'ONU, jusqu'à devenir Conseillère spéciale de Ban Ki-moon. Elle vient de prendre la tête, il y a seulement six mois, du parti D66 à gauche de l'échiquier politique néerlandais.

Sigrid Kaag, ministre néerlandaise du Commerce extérieur et de la Coopération pour le développement, à Paris, le 22 mai 2019.
Sigrid Kaag, ministre néerlandaise du Commerce extérieur et de la Coopération pour le développement, à Paris, le 22 mai 2019. AFP - ERIC PIERMONT
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Elle a négocié le désarmement chimique du régime syrien. Elle a coordonné le bureau de l'ONU au Liban. Elle a vécu à Jérusalem, en Jordanie, à New York, au Soudan, en Suisse... En résumé, elle a la bougeotte, des nerfs solides et le goût du risque. Mais pourquoi donc Sigrid Kaag a t-elle quitté la haute diplomatie pour se lancer en politique ?

« Rien de plus naturel », répond le député néerlandais Achraf Bouali qui milite au sein de son parti, D66, et qui l'a côtoyée au Parlement néerlandais pendant plusieurs années. « La diplomatie, c'est de la politique à l'étranger mais cela reste de la politique. Elle a travaillé au sein des Nations unies dans différents pays. Je crois qu'elle voulait aussi utiliser ses atouts aux Pays-Bas pour y changer la politique. Nous sommes l'un des rares pays en Europe qui n'a pas eu de femme au poste de Premier ministre. Je pense que Sigrid Kaag est la bonne personne pour cela aux Pays-Bas. »

C'est l'un de ses arguments de campagne : donner un coup de neuf dans un paysage très masculin. Car, au sein des quatre principaux partis en lice aux législatives, sa formation est la seule à être dirigée par une femme. Sa carte de visite : centre-gauche, sociale-libérale et pro-européenne. Mais ce scrutin n'est pas tout à fait comme les autres. La pandémie de coronavirus est passée par là et ce que les Néerlandais attendent à court terme, c'est un gouvernement qui fasse reculer la maladie. En la matière, l'expérience de Sigrid Kaag à l'ONU joue-t-elle en sa faveur ? Prudence....

« De l'humanitaire au sanitaire, ce n'est pas exactement la même chose », selon Christophe de Voogd, professeur à Science Po et auteur de Histoire des Pays-Bas : des origines à nos jours. « L'humanitaire c'était quand même la projection des Pays-Bas vers l'altérité mondiale. La crise sanitaire a plutôt l'effet inverse de renvoyer les Pays-Bas vers eux-même. C'est une carte que joue très bien Rutte et les populistes. En plus, elle part d'un parti très haut avec 19 sièges, ce qui la met déjà troisième ex aequo et qui est beaucoup historiquement pour ce parti-là qui est un parti un peu marginal. Si elle fait aussi bien, ce sera déjà un triomphe. »

Son programme : investir dans l'éducation, gonfler les salaires des enseignants, mieux intégrer les immigrés, tacler les discriminations... Ses chances d'arriver en tête des législatives sont très minces. Mais a minima, elle a l'ambition de faire pencher la future coalition à gauche et de monnayer chèrement ses sièges au Parlement.

« Si vous avez cinq sièges, vous pesez lourd, parce que vous pouvez faire une majorité ou la défaire », affirme Christophe de Voogd. « C'est là-dessus qu'elle joue. Dans le paysage, ce qu'elle veut c'est la troisième place, elle veut passer devant les chrétiens-démocrates. Et ce n'est pas impossible. Elle serait deuxième de la coalition avec Rutte et donc elle pèserait plus lourd. Ça va être un parti charnière de centre gauche qui peut aller avec la droite ou la gauche. Mais la gauche ne sera pas en état de faire une majorité. »

Rien ne presse, Sigrid Kaag a certes 59 ans, mais elle doit encore s'installer dans ses habits de politicienne chevronnée. Elle vient de boucler trois années en tant que ministre du Commerce extérieur néerlandais. Un bon score aux législatives pourrait la propulser à d'autres fonctions au sein du futur exécutif. Elle ne serait sûrement pas dépaysée aux Affaires étrangères.

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