Denis Pouchiline, l’homme du Kremlin dans le Donbass ukrainien
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C’est à sa demande que Vladimir Poutine a lancé son opération militaire en Ukraine. Président depuis 2018 de la république autoproclamée de Donetsk, Denis Pouchiline est un partisan de Moscou totalement dévoué au Kremlin, et aux intérêts du président russe.

Ce fut l’un des coups de théâtre de cette semaine qui en a compté plusieurs : la signature lundi 21 février de l’acte de reconnaissance par la Russie des deux républiques autoproclamées du Donbass.
Sous les ors du Kremlin, à bonne distance de Vladimir Poutine – Covid oblige – se trouvaient deux hommes : le dirigeant de la république de Lougansk, Leonid Pasetchnik, et Denis Pouchiline, le dirigeant de la DNR, la république autoproclamée de Donetsk.
« Nous avons attendu cette reconnaissance, cette décision durant très longtemps », expliquera le lendemain, en conférence de presse, le dirigeant séparatiste. « Depuis trente ans… Depuis que l’URSS s’est effondrée ! »
Denis Pouchiline n’a pourtant que dix ans, en 1991 au moment où l’URSS disparaît. Issu d’une famille d’ouvriers métallurgistes, il se lance dans les affaires dans les années 2000, en participant à une pyramide financière qui prive de leurs économies des centaines de milliers de personnes. En 2012, il se présente aux législatives et recueille moins de 1% des voix. C’est finalement l’insurrection pro-russe, en 2014, qui va lui permettre sortir de l’anonymat.
« Sa trajectoire est à l’image de ces parcours produits par la guerre », explique Ioulia Shukan, maître de conférence à l’Université de Nanterre, et spécialiste de l’Ukraine. « L’insurrection pro-russe a mis sur le devant de la scène des personnalités qui n’étaient absolument pas connues et ça, c’est le propre de ces séquences guerrières à la faveur desquelles des personnes qui ne représentaient rien auparavant sont propulsées de façon vraiment fulgurante à des postes de responsabilité. »
Fonctionnaire peu charismatique
Écarté du pouvoir quelques mois après le début de l’insurrection, Denis Pouchiline revient sur le devant de la scène à l’été 2018, après la mort du dirigeant séparatiste de l’époque. Chef militaire charismatique et populaire, Alexandre Zakhatchenko est tué dans un attentat à la bombe le 31 août 2018. « C’est un point de bifurcation dans la trajectoire de la DNR », rappelle Ioulia Shukan. « Il y a alors une volonté de donner un aspect un peu plus civil à cette république et donc de passer de la légitimité militaire à une légitimité plus administrative, plus managériale. »
Avec sa barbe bien taillée et son costume cravate impeccable, Denis Pouchiline est alors censé offrir un visage respectable au territoire séparatiste. Envoyé spécial du journal La Croix, Olivier Tallès le rencontre en novembre 2018, juste avant les pseudo-élections qui vont le confirmer à la tête du territoire. « J’avais l’impression d’être en face d’un exécutant, quelqu’un dont la marge de manœuvre était extrêmement limitée et qui ne pouvait pas me répondre clairement sur les grandes orientations qu’il espérait pour sa république. Pourquoi ? Parce qu’il était dépendant des ordres de Moscou. C’était un homme qui avait peu de marges de manœuvre, qui était habile et très prudent dans ses réponses. Ce n’était pas un chef de guerre, c’était plutôt un fonctionnaire peu charismatique. »
Un fonctionnaire peu charismatique et d’une loyauté indéfectible à l’égard du Kremlin. Car Denis Pouchiline a été choisi à Moscou pour sa capacité à appliquer les consignes, quelles qu’en puissent être les conséquences. Et quels que soient les projets de Vladimir Poutine pour le Donbass, Denis Pouchiline s’y pliera : autonomie au sein d’une Ukraine sous tutelle du Kremlin, ou annexion pure et simple à la Fédération de Russie.
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