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Les défis d'Alberto Nunez Feijoo, nouveau patron de la droite espagnole

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Alberto Nunez Feijoo a été élu le 2 avril à la tête du Parti populaire (PP). Ce haut-fonctionnaire à la réputation de modéré va devoir réunifier son parti et composer avec la montée de l’extrême droite de Vox, devenue troisième force politique d’Espagne.

Alberto Nunez Feijoo ambitionne de ramener le Parti populaire (PP) au pouvoir et battre le Parti socialiste du Premier ministre Pedro Sanchez.
Alberto Nunez Feijoo ambitionne de ramener le Parti populaire (PP) au pouvoir et battre le Parti socialiste du Premier ministre Pedro Sanchez. © REUTERS/Miguel Vidal
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Été 2018, la droite espagnole se cherche son nouveau patron. Tous les regards se tournent vers Alberto Nunez Feijoo. Le président du gouvernement régional de Galice, réputé modéré et pragmatique est perçu comme le successeur naturel de Mariano Rajoy pour prendre la tête du Parti populaire (PP). Mais à la surprise générale, Alberto Nunez Feijoo renonce pour se consacrer à ses électeurs. « Je ne peux pas laisser tomber les Galiciens sans avoir tenu tous mes engagements, parce que ça serait aussi un renoncement pour moi-même », déclare-t-il ému devant ses partisans rassemblés dans son fief de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Quatre ans plus tard, le nom d’Alberto Nunez Feijoo est de nouveau avancé pour reprendre un parti déchiré par les scandales. Le 2 avril, au Congrès extraordinaire de Séville, Alberto Nunez Feijoo accepte son destin national et est élu à la tête du PP avec 98,35 % des 2 663 suffrages exprimés. « Nous devons sortir la politique espagnole de la confrontation (…) de l’hyperbole permanente », déclare-t-il lors de son premier discours en tant que chef du parti. « Je ne suis pas venu en politique pour faire ce qui a été déjà fait, poursuit-il. Je suis venu ici pour gagner et gouverner ! » 

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« Il préfère la culture du résultat à celle de l’outrance »

Né en 1961 à Ourense, dans le nord-ouest de l’Espagne, Alberto Nunez Feijoo a gravi les échelons pour s’imposer comme un des barons du PP, élu quatre fois de suite à la majorité absolue – fait rare en Espagne – président du gouvernement régional de Galice. À 60 ans, ce haut-fonctionnaire à la silhouette élancée est, d’après un sondage publié fin mars, la personnalité politique la plus respectée du pays.

« En Espagne, on dit que quand on rencontre un Galicien dans l’escalier, on ne sait pas s’il monte ou s’il descend », décrypte Benoît Pellistrandi, historien, spécialiste de l’Espagne contemporaine et auteur des Fractures de l’Espagne. De 1808 à nos jours (Folio histoire, Gallimard). « Alberto Nunez Feijoo est dans cette école politique de la modération. Il préfère la culture du résultat à celle de l’outrance et de la rhétorique. Il veut se présenter comme un faiseur. Et c’est sans doute comme cela que le perçoivent ses électeurs parce que la confiance qui lui est accordée est toujours plus accrue. La communauté autonome de Galice présente en outre des résultats satisfaisants en termes de gestion et de politiques publiques ». 

À l’échelle de l’Espagne, le défi est tout autre. Alberto Nunez Feijoo ambitionne de ramener le PP au pouvoir et battre le Parti socialiste du Premier ministre Pedro Sanchez. « Il va certainement devoir capitaliser sur les difficultés des socialistes à répondre à tous les problèmes économiques de l’Espagne qui refont surface et aggravés par la guerre en Ukraine », explique Aurora Minguez, journaliste espagnole et ancienne correspondante de la RTVE en France et en Allemagne. « L’inflation frôle les 10 % et le gouvernement semble incapable de faire baisser les prix du carburant, du gaz, de l’électricité ». 

« Feijoo veut marginaliser l’extrême droite du parti Vox »

Dans sa conquête pour le Palais de la Moncloa, résidence officielle du Premier ministre, Alberto Nunez Feijoo doit aussi composer avec la montée de l’extrême droite incarnée par le Parti Vox devenu en 2019 troisième force politique d’Espagne derrière les socialistes et les conservateurs. « La plupart des gens qui ont voté Vox sont des électeurs déçus du PP », analyse Aurora Minguez. Ils ont trouvé que le PP était devenu trop centriste alors qu’ils voulaient une position plus à droite. « Pour Feijoo, le grand problème va être de récupérer les électeurs de Vox. Il va devoir définir une ligne très claire : qu’est-ce que le PP ? Est-ce un parti libéral social comme la CDU en Allemagne ou Les Républicains en France ? Ou un parti qui va de la droite traditionnelle à l’extrême droite ? Feijoo va devoir prendre une décision ! ».

D’autant que, dans son parti, la question d’une alliance avec l’extrême droite n’est plus taboue. Le 11 avril, le Parlement régional de Castille-et-León a donné le feu vert à un gouvernement de coalition inédit entre la droite du PP et l’extrême droite de Vox. Pour l’occasion, Albert Nunez Feijoo s’est fait excuser, officiellement absent pour des raisons d’agenda, mais le spécialiste Benoît Pellistrandi y voit là un message politique. « Feijoo souhaite une clarification de son parti. Il veut que le PP devienne majoritaire à droite et marginaliser Vox. Pour cela, il va tenter de “centraliser” le PP et d’en faire un parti dans lequel pourraient coexister à la fois une droite conservatrice, plus radicale, et une droite beaucoup plus centriste et européenne ».

Une stratégie gagnante ? Premier test grandeur nature lors des élections législatives prévues pour 2023. Dans les dernières enquêtes d’opinion, le PP est crédité de près de 22 % des voix, derrière les socialistes (27 %), mais talonnés de seulement deux points par l’extrême droite du parti Vox. 

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