Iryna Venediktova, l’enquêtrice ukrainienne qui veut traîner Vladimir Poutine en justice
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La guerre continue en Ukraine, les combats sont très loin d’être terminés, mais une autre bataille se dessine déjà : celle des poursuites qui seront intentées contre la Russie pour les crimes de guerre perpétrés durant le conflit. À la tête de cette offensive judiciaire, il y a une femme : Iryna Venediktova, la procureure générale d’Ukraine. Cette juriste de 43 ans se dit déterminée à obtenir justice et réparation pour les victimes de la guerre.

Nous sommes les 12 avril dernier, à Boutcha, dans la banlieue de Kiev. Iryna Venediktova s’adresse aux journalistes venus constater sur place les crimes imputés aux forces russes. « Ici, tout ce que vous voyez autour, ce sont des crimes de guerre… Ici, ils ont tué, torturé et commis des crimes sexuels. Dans la région de Kiev, il y a un très grand nombre de crimes de guerre, et nous pouvons qualifier tout cela de crimes contre l’humanité. »
Cheveux noirs coupés au carré, regard franc et déterminé, Iryna Venediktova était la conseillère juridique de Volodymyr Zelensky lorsque celui-ci briguait la présidence. Devenue députée en 2019, elle est nommée procureure générale d’Ukraine en mars 2020.
Mais son destin bascule deux ans plus tard lorsque la Russie déclare la guerre à l’Ukraine. Dès les premiers jours du conflit, Iryna Venediktova s’investit totalement dans la traque des crimes de guerre et devient le fer de lance de cette bataille judiciaire engagée contre la Russie.
« Je crois qu’elle est méthodique, que c’est une vraie juriste », explique la journaliste ukrainienne Tetyana Orgakova. « Elle dispose d’un maximum de pouvoirs à son poste pour mobiliser les enquêteurs et la police dans ce processus de collecte de preuves. C’est notre visage et notre point de repère dans tous ces dossiers qui visent l’armée russe. »
Cour pénale internationale
À ce jour, plus de 8 000 enquêtes ont été ouvertes par le parquet ukrainien, qui a identifié plusieurs centaines de suspects. Des témoignages précieux ont été recueillis, des preuves collectées… Un travail qu’il faut faire le plus vite possible. « Plus le temps passe et plus les preuves disparaissent, c’est le cas par exemple des marques de tortures ou de blessures », indique Marie Struthers, de l’ONG Amnesty International. « C’est la même chose pour les témoignages, car la mémoire change avec le temps, il est donc important de capter le plus rapidement possible les récits des victimes. C’est bien d’aller très vite, mais il faut que ces preuves correspondent aux normes internationales pour qu’elles puissent être acceptées par des juridictions internationales comme la Cour pénale internationale. »
Car l’ambition de l’Ukraine et d’Iryna Venediktova est de pouvoir juger ces crimes devant la Cour pénale internationale. Un objectif qu’il sera très difficile d’atteindre, la Russie ne faisant pas partie du Statut de Rome, qui est la fondation de la CPI. « De ce fait, on ne peut pas traduire en justice physiquement les officiers russes ou les représentants du gouvernement russes », explique Marie Struthers. « Mais on n’est pas totalement sans espoir parce qu’on pensait que Slobodan Milosevic en ex-Yougoslavie ne pourrait jamais être traduit en justice… Mais finalement les circonstances politiques ont changé et il a pu être jugé. »
Ce précédent yougoslave pourrait inspirer les autorités ukrainiennes. Car Iryna Venediktova ne s’en cache pas : son objectif ultime est bien de pouvoir traîner en justice Vladimir Poutine, le président russe. « C’est lui qui a commencé cette guerre et qui la poursuit, indique-t-elle aux journalistes. Ce sont ses soldats qui ont tué des enfants, des femmes et des vieillards. Le véritable responsable de ces atrocités, c’est bien sûr le président de la Fédération de Russie. »
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