Européen de la semaine

Moldavie: Victor Gusan, le «sheriff» de Transnistrie

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C’est le nom que la presse moldave donne à l’oligarque Victor Gusan. D’abord parce que c’est le cofondateur du conglomérat d’entreprises « Sheriff » qui contrôle à peu près tout dans la République autoproclamée de Transnistrie, une région séparatiste pro-russe à l'est de la Moldavie, à quelques pas de la frontière ukrainienne, mais aussi parce que Victor Gusan y est un homme politique important. L'invasion du pays voisin par la Russie a tout de même déstabilisé ce milliardaire moldave. Fin avril, une série d'explosions a été entendue dans cette région soutenue par Moscou. 

Fresque de Youri Gagarine à Tiraspol, la capitale de la région séparatiste de Transnistrie, une région séparatiste pro-russe à l'est de la Moldavie, à quelques pas de la frontière ukrainienne, le 1er novembre 2021. (Photo d'illustration)
Fresque de Youri Gagarine à Tiraspol, la capitale de la région séparatiste de Transnistrie, une région séparatiste pro-russe à l'est de la Moldavie, à quelques pas de la frontière ukrainienne, le 1er novembre 2021. (Photo d'illustration) © AP Photo/Dmitri Lovetsky, File
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Ancien membre du KGB, Victor Gusan est forcément un homme très mystérieux. Sur internet, il n’y a qu’une seule photo de lui. Assis sur un fauteuil en cuir, au milieu d’un décor tout droit sorti de l’époque soviétique, cet homme de 60 ans a le visage sérieux et les sourcils froncés. 

Un personnage à l’image d’une région nostalgique de l’époque soviétique, coincée entre l’Ukraine et la Dniestr, le fleuve local, qui aimerait devenir indépendante.  

Ici, Victor Gusan a le monopole économique sur quasiment tout, selon Sabine Von Löwis, chercheuse au centre franco-allemand des études internationales et de l’Europe de l’Est : « C'est un entrepreneur très important en Transnistrie. Il a monté son empire commercial au début des années 90 en commençant avec de la contrebande. Il a fondé l'entreprise Sheriff. C'est un gros conglomérat avec pleins d'entreprises. Il avait de très bons rapports avec le président de la République autoproclamée Igor Smirnoff, ce qui l'a aidé à avoir un conglomérat de plus en plus gros. Smirnoff l'a aidé à racheter une chaine de supermarchés, puis Gusan a racheté les chaînes de télévision, a créé une entreprise de télécommunication... » 

Ces liens avec la politique ont pris de l'importance à mesure que son entreprise Sheriff a grossi. Il est estimé que Sheriff, et donc Gusan, contrôlerait plus de 60% de l'économie de la région, ce qui lui donne un pouvoir de décision important, selon Florent Parmentier, secrétaire générale du Centre de recherches politiques de Sciences Po et co-auteur du livre, La Moldavie à la croisée des mondes : « Victor Gusan fait un peu partie de ces hommes de l'ombre qui ont une importance sur le processus de décision politique. Monsieur Gusan tire les ficelles tout simplement parce qu'il est en mesure de capter une bonne partie des ressources de la République de Transnistrie. Capter des ressources en Transnistrie, ça veut dire être capable de mener un certain nombre de trafics avec des partenaires russes, ukrainiens, mais aussi moldaves. » 

À écouter aussi : Moldavie, la menace transnistrienne

Au carrefour de la Moldavie, de l'Ukraine et de la Russie, cet oligarque contrôle des entreprises dans les trois pays. Si la Transnistrie rêve d'être rattachée à la Russie, Victor Gusan a plus d'intérêt à rester neutre dans le conflit de l'autre côté de la frontière. « Une grande partie des marchandises qui arrivent en Transnistrie ou qui sont exportées depuis la Transnistrie, passent aujourd'hui par le port d'Odessa, tant qu'il est ouvert. Et donc en quelque sorte, la Transnistrie pouvait exister en tant qu'entité séparatiste tant qu'il y avait une forme de stabilité régionale où elle pouvait à la fois corrompre les officiels en Russie, en Ukraine, en Moldavie, développe Florent Parmentier. Aujourd'hui, dans un contexte de guerre, les conditions de la fortune de Victor Gusan sont peut-être moins assurées que par le passé. Victor Gusan a davantage intérêt a gardé une situation dans laquelle la Transnistrie est neutre de manière à continuer à pouvoir faire un certain nombre d'affaires, plutôt qu'à être partie prenante du conflit. » 

Sabine Von Löwis insiste, elle, sur le rôle que joue l'Union européenne pour Victor Gusan. « Je dirais que Gusan n'a pas de grands intérêts dans cette guerre. Parce que ce qui est intéressant dans le développement de la Transnistrie, ces dernières années, c'est que depuis 2016, elle fait partie de l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et la Moldavie. Donc la Transnistrie et Sheriff profitent des exports vers l'Union européenne. Vous pouvez acheter par exemple du Cognac de Transnistrie ou du Caviar. Ce contexte géopolitique n'est donc pas favorable aux relations économiques de Gusan. » 

Depuis le début de l'invasion russe en Ukraine, le Sheriff de Transnistrie est resté très discret, comme à son habitude.   

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