Européen de la semaine

Humza Yousaf, un Premier ministre jeune et ancré à gauche pour diriger l’Écosse

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L’Écosse a élu le plus jeune Premier ministre de son histoire : Humza Yousaf, 37 ans, a succédé le 29 mars à Nicola Sturgeon à l’issue d’un scrutin serré à la présidence du SNP, le parti écossais indépendantiste. Entouré d’une équipe de dix ministres dont six femmes, il a promis d'apporter l'indépendance à l'Écosse. Mais il hérite d’un parti divisé et d’un projet nationaliste dans l’impasse.

Le chef du Parti national écossais nouvellement élu, Humza Yousaf, prend la parole après avoir été annoncé comme nouveau chef du SNP, au stade Murrayfield, à Édimbourg, en Écosse, le lundi 27 mars 2023.
Le chef du Parti national écossais nouvellement élu, Humza Yousaf, prend la parole après avoir été annoncé comme nouveau chef du SNP, au stade Murrayfield, à Édimbourg, en Écosse, le lundi 27 mars 2023. © Andrew Milligan/PA via AP
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Diplômé de sciences politiques, adhérent du SNP à 20 ans, assistant parlementaire à 22, député à 26 et ministre à 27, Humza Yousaf ne perd pas de temps. « Il a toujours été "fer de lance" du SNP », raconte Christian Allard, ancien député SNP qui a soutenu Humza Yousef pendant sa campagne pour la tête du parti. « Jeune, il était non seulement très renommé, mais c’était aussi un peu la coqueluche du parti, je me souviens de lui avec sa moto et son très fort accent – de Glasgow bien sûr. Il a su développer une identité moderne du SNP pour le XXIe siècle, et à présent, il est Premier ministre d’Écosse. »

Le fait qu’Humza Yousaf soit issu d’une famille immigrée  son père est né au Pakistan et sa mère, originaire d’Asie du Sud, est née au Kenya  est un autre motif de fierté pour l’ancien élu au Parlement écossais et au Parlement européen. « Mon ami Humza est le premier chef d'un gouvernement, Premier ministre, musulman. Mais ce qui est incroyable, ce n’est pas le fait qu'il le soit, c'est qu'il le soit sans que l'Écosse s'en rende compte ! C'est-à-dire que pour nous, ce n’est plus un important », remarque encore Christian Allard. À Édimbourg, le chef de l’opposition travailliste est lui aussi issu de l’immigration. Tout comme à Londres, mais au sein du parti conservateur, le Premier ministre britannique Rishi Sunak et la ministre de l’Intérieur Suella Braverman  fait rare et notable en Europe.

► À lire aussi : Écosse : Humza Yousaf élu à la tête des indépendantistes, en passe d'être élu Premier ministre

Quatre fois ministre

Plus jeune Premier ministre écossais, Humza Yousaf possède néanmoins à 37 ans une solide expérience du gouvernement. Il a été ministre du Développement européen et de l’international, ministre des Transports en 2016, ministre de la Justice en 2018 et ministre de la Santé de 2021 à son élection à la tête du gouvernement. Mais son bilan a fait l’objet de nombreuses critiques. Dans l’opposition d’abord, « il a été le pire ministre de la Santé et sera le pire Premier ministre d’Écosse » juge, lapidaire, Jackie Baillie, du parti travailliste écossais.

Mais au sein de son propre camp, succéder à Nicola Sturgeon sera aussi un défi, souligne Edwige Camp-Piétrain, professeure de civilisation britannique à l’Université de Valenciennes : « Depuis 1990, le SNP n'avait eu que deux dirigeants, Alex Salmond et Nicolas Sturgeon – à l'exception de quatre années où il a été dirigé par John Sweeney –, et il va lui être très difficile d'imprimer sa marque. Il va également falloir bien sûr rassembler son parti, qui est profondément divisé. » Kate Forbes, sa principale rivale, n’a pas épargné Humza Yousaf : « Vous avez aux Transports, les trains n’étaient jamais à l’heure ; quand vous étiez à la Justice, la police était à bout ; et maintenant que vous êtes à la Santé, les délais pour se faire soigner atteignent des records. Pourquoi pensez-vous faire mieux comme Premier ministre ? », a-t-elle accusé lors d’un débat télévisé. L’Écosse a été la seule nation du Royaume-Uni à avoir évité les récents mouvements de grève dans la santé publique, se défend-il.

La campagne a été inhabituellement agressive pour le SNP. « Jusqu'à cette année, bien sûr, il y avait différentes tendances au sein du parti, mais elle n'était jamais exprimée publiquement au nom de la cause qui était la cause indépendantiste, explique Edwige Camp-Piétrain, et cette campagne surprise – puisque Nicolas Sturgeon n'avait pas du tout laissé anticiper sa démission – a fait émerger en public les divisions profondes qui existent entre une sensibilité plutôt de centre gauche qui est celle de Humza Yousaf et une sensibilité plus conservatrice portée par Kate Forbes. »

Le défi de l'indépendance

Le parti s’est notamment déchiré sur un texte de loi qui vise à faciliter le changement de genre dès 16 ans et qui est bloqué par Londres. Mais le grand sujet reste la cause indépendantiste, raison d’être du parti, et là encore, les choses s’annoncent difficile pour le Premier ministre. « Nicolas Sturgeon semblait être arrivé dans une impasse puisque le gouvernement britannique ne veut pas autoriser l'organisation d'un second référendum d'autodétermination, donc il y a blocage, ce qui forcément nourrit également les divisions à l'intérieur du parti, puisqu'une minorité plus radicale se demande s’il faut vraiment obtenir l'accord du gouvernement britannique », analyse la professeure Edwige Camp-Piétrain.

Humza Yousaf a promis que sa génération serait celle qui donnerait à l’Écosse son indépendance. Mais il ne veut pas précipiter les choses – son âge lui laisse d’ailleurs le temps : il souhaite d'abord élargir la base des indépendantistes, qui ne varie pas beaucoup depuis 2014. Il lui faudra aborder la délicate question de la frontière terrestre que poserait une séparation d’avec le Royaume-Uni. Mais il devra aussi, explique Edwige Camp-Piétrain, apporter des réponses aux conséquences juridiques et politiques immédiates du Brexit : « Le gouvernement écossais reproche au gouvernement britannique une recentralisation du pouvoir, aux dépens de l'Écosse. Donc, pour Humza Yousaf, la réussite d’un grand nombre de choses va dépendre de ses capacités à nouer de bonnes relations de travail avec le gouvernement britannique – telles qu’elles ont existé d’ailleurs avant le référendum sur le Brexit. »

Le nouveau Premier ministre est un excellent négociateur selon ses partisans, il aura de nombreuses occasions de le prouver.

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