Russie: qui est Kirill Dmitriev, émissaire de Vladimir Poutine et homme de l'ombre devenu très en vue?
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De nouvelles rencontres entre Américains et Russes ont eu lieu ce vendredi à Saint-Pétersbourg. Steve Witkoff, l'émissaire spécial du président américain Donald Trump, s’est entretenu avec le nouvel émissaire économique spécial du président russe Vladimir Poutine, Kirill Dmitriev. Ce dernier était à Washington, la semaine dernière, première personnalité de ce plan à être reçue à la Maison Blanche depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022. Cet homme de l’ombre est devenu très en vue.
Petites lunettes, visage rondouillard, silhouette élancée : à 49 ans, Kirill Dmitriev a les allures d’un parfait technocrate. Il fait partie de ces « gens intelligents, éduqués qui sont normalement dans l’ombre, contrairement aux hommes politiques plus controversés qui sont mis en avant depuis 2022 et la guerre en Ukraine, et la Russie a besoin d’eux pour améliorer la situation économique du pays », résume Andrey Sapozhnikov, journaliste spécialiste de la politique et de la culture russe à Novaya Gazeta Europe.
« Il sait parler aux Américains »
Né à Kiev, du temps de l’Union soviétique, Kirill Dmitriev a fait ses études aux États-Unis, dans les prestigieuses universités de Stanford et Harvard. Formé aux banques Goldman Sachs et le cabinet McKinsey, c’est un financier et homme d’affaires chevronné à la tête aujourd’hui du puissant fonds souverain russe. « Il connait bien les Américains et sait parler aux Américains », explique Arnaud Dubien, directeur de l’observatoire franco-russe et chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Quand il rencontre Steve Witkoff, « il est capable de le faire rire parce qu’il connait les blagues new-yorkaises. Il sait parler à ces Américains, ces hommes d’affaires new-yorkais comme Witkoff ou Donald Trump, qui ont une vision du monde très particulière ».
Fort de ce parcours, Kirill Dmitriev a été propulsé émissaire économique spécial de Vladimir Poutine. La semaine dernière, il est devenu le premier représentant russe de ce niveau à avoir été reçu à Washington depuis 2022. Sous sanctions occidentales, il n’a pu s’y rendre que grâce à une levée provisoire de ces mesures. Invité sur CNN, à l’issue de ses entretiens avec des officiels à la Maison Blanche, Dmitriev a répondu, affable, aux questions du journaliste. Tout en assurant avec aplomb que les sanctions contre la Russie étaient surtout préjudiciables aux États-Unis et aux entreprises américaines n’opérant plus sur le sol russe.
Ses liens avec l’administration américaine remontent au premier mandat de Donald Trump. « Il a été impliqué dans les négociations pour améliorer les relations russo-américaines durant le premier mandat de Trump en 2017. Et il a été cité dans le rapport Mueller, très controversé, sur les interférences de la Russie dans l’élection présidentielle américaine de 2016 », rappelle le journaliste Andrey Sapozhnikov.
Un homme ambitieux
Mandaté officiellement pour renouer les liens économiques entre la Russie et les États-Unis, Kirill Dmitriev est apparu aussi dans les négociations sur l’Ukraine. En février dernier, il était à Riyad, aux côtés du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, qui l’aurait exclu de la photo finale, selon Arnaud Dubien. Ce dernier évoque un conflit entre les deux hommes. « Lavrov doit s’occuper de la guerre en Ukraine, il doit adopter des positions très fermes, renchérit Tatiana Stanovaya, politologue russe et fondatrice du bulletin R.politik. Dmitriev est là pour attirer Trump dans des deals économiques avantageux, il doit apparaitre flexible, chaleureux. Le style Dmitriev agace les diplomates. Et il est très ambitieux, même s’il est prudent et toujours loyal à Poutine. »
La proximité avec le chef du Kremlin, Dmitriev la doit aussi à son mariage avec Natalia Popova, une amie de Katerina Tikhonova, une des filles de Vladimir Poutine.
Jusqu’où peuvent aller les ambitions de Kirill Dmitriev ? « Tôt ou tard, on le verra dans des positions plus prestigieuses au Kremlin, prédit Andrey Sapozhnikov. Il apparait plus actuel qu’un Lavrov qui semble vieux-jeu ». Remplacer Lavrov au ministère des Affaires étrangères ? « La rumeur court, selon Arnaud Dubien. Certains lui prêtent même des ambitions plus élevées, premier ministre ou plus, si cela se passe bien avec les Américains et si Poutine veut que la Russie s’engage dans une coopération avec les États-Unis. Mais attention, en cas d’échec, cela lui sera reproché. Il sera guetté et attendu avec des peaux de bananes. » Kirill Dmitriev est prévenu.
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