Dans IDÉES cette semaine, Pierre-Édouard Deldique reçoit Gilles Hieronimus, docteur en Philosophie, auteur d’un «Que sais-je ?» sur Gaston Bachelard. Ce petit livre est une synthèse précise de l’œuvre du philosophe, articulée autour de sa double vocation scientifique et poétique. Cet ouvrage précieux éclaire la cohérence d’une pensée souvent jugée inclassable qu’il résume avec clarté dans l’émission.

Gilles Hieronimus souligne le côté Janus de ce penseur hors-norme. «Deux images se superposent : celle de l’austère professeur de philosophie des sciences, astreint à la rigueur et à la prudence ; celle de l’ami enjoué des poètes et des artistes, réceptifs à leur audace et volontiers fantasque.», écrit-il à propos de ce personnage à la longue barbe blanche.
Bachelard (1884–1962), figure majeure de la philosophie française du XXè siècle, est présenté comme un penseur subversif, dont la démarche réconcilie rigueur scientifique et liberté imaginative. Pour lui, il y a «l’homme rationaliste» et «l’homme de la nuit» et du rêve.
Bachelard révolutionne la philosophie des sciences en introduisant les notions d’obstacle épistémologique, de rupture et de discontinuité dans le progrès scientifique. Il défend une rationalité dynamique, toujours en reconstruction.
À travers ses études sur l’imaginaire (l’eau, le feu, l’air, la maison…), il développe une poétique des images fondée sur l’intuition, la rêverie et la résonance affective. L’imagination devient un mode de connaissance à part entière.
L’auteur insiste, dans l’émission et dans son livre, sur le rythme alterné que Bachelard propose entre rationalité et rêverie. Cette alternance n’est pas une contradiction, mais, au contraire, une méthode de vie et de pensée : un art de vivre philosophique, respectueux de la pluralité des formes de la vie bonne et de la liberté de l’esprit.
Cette éthique du renouveau repose sur une sagesse qui refuse les dogmes et valorise le mouvement. Elle s’incarne dans une pédagogie de l’éveil, où le philosophe est aussi un éducateur.
Le livre montre comment Bachelard, souvent marginalisé dans les grands courants philosophiques, a pourtant influencé des penseurs majeurs comme Sartre, Merleau-Ponty, Ricœur, Deleuze, Foucault ou Simondon. Son style, mêlant rigueur conceptuelle et lyrisme, échappe aux classifications habituelles.
Gilles Hieronimus le présente comme un philosophe combattant, marqué par son expérience de la guerre, un homme libre «logé partout mais enfermé nulle part».
Au fil de ses propos, l’auteur qui dirige l’édition commentée des œuvres de Gaston Bachelard, confirme ce qu’il écrit dans son livre, le philosophe «cultive une spiritualité joyeuse, un gai savoir rationaliste, en s’appuyant sur la méditation privilégiée d’images heureuses, vitalisantes, verticalisantes».
Un précieux compagnon de route en somme à «la recherche d’une sagesse et d’un art de vivre».
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